Pour toute personne qui s’intéresse aux possibles rencontres entre les différents domaines de l’art, l’exposition Palais de Mari / Peinture de Mario Côté est un incontournable. On y présente 8 tableaux grand format (232 x 153 cm) « proposant la transposition picturale, mesure par mesure, d’une partition pour piano de Morton Feldman », comme nous le précise le communiqué présentant l’exposition. De même, on nous dit que :
L’artiste peintre Mario Côté éprouve une véritable passion pour la musique du compositeur américain qui a été très proche des peintres abstraits new-yorkais ; plusieurs de ses pièces musicales ont été dédiées à des artistes : For Philip Guston, For Franz Kline, The Rothko Chapel, For Francisco Clemente, For John Cage. Le compositeur a par ailleurs envisagé la création de sa musique à la manière des peintres, comme une surface : « On devrait appeler (mes compositions) toile de temps, toiles que j’imprime plus ou moins d’une teinte musicale. » Le projet de Mario Côté vise à renverser la proposition. Contrairement à Feldman, Côté crée à partir de sa musique une proposition strictement picturale afin de lui rendre ainsi hommage. Une dizaine [sic] de tableaux de grand format compose une immense partition transformée par le jeu des formes géométriques simples et colorées. Hauteur, timbre et rythme rencontrent couleur, signes et espace. L’exposition est aussi accompagnée d’œuvres sur papier qui révèlent un aspect du procédé utilisé lors de la transposition des données musicales en signes graphiques colorés.
En plus d’une réalisation schématique en miniature des tableaux, les œuvres sur papiers contiennent en effet des indications fascinantes, qu’il vaut la peine de déchiffrer pour comprendre d’abord le procédé technique que le communiqué évoque et mesurer ensuite tout ce qui s’en distance dans les tableaux. Ce qui pourrait apparaître comme un travail presque automatique révèle bientôt toute la marge de liberté que l’artiste a su se préserver, et toute la sensibilité qui peut se manifester ainsi, au grand plaisir du regardeur.
Précisons que Mario Côté s’est basé, pour son travail, sur la partition publiée par les éditions Universal, seule disponible commercialement. Celle-ci s’éloigne passablement de la mise en page du manuscrit original de Morton Feldman. On lira avec intérêt un article signé par Tom Hall (pages 14 à 21) pour mesurer certaines conséquences de cet écart.
Vague relations : bar groupings and notational image in the late music of Morton Feldman
Il ressort aussi de la lecture de cet article que Feldman aurait eu une approche d’artiste visuel quant à la construction formelle de ces œuvres musicales, travaillant sa partition comme un objet visuel, au point qu’on puisse même parler d’Augenmusik (musique pour les yeux). Chez Mario Côté, une partie des symétries feldmaniennes sont révélées à l’œil, mais, indépendante de celles-ci, une magnifique directionnalité s’installe, un graduelle transformation entre le premier et le dernier des 8 tableaux. Ainsi, les carrés représentant les mesures de silences évoluent peu à peu du vert vers le bleu ; la texture baveuse de fond des premiers carrés devient striée dans les derniers. Il faut aussi remarquer l’évolution du peintre face à son projet : ainsi, les signes de silences dans les mesures avec notes (soupirs, demi-soupirs, etc), d’abord négligés, sont bientôt intégrés pour être conservés jusqu’à la fin. On pourrait aussi parler de l’évolution graduelle des couleurs de fond, des couleurs réservées aux « notes », etc
Un travail attentif, rigoureux, mais expressif et libre. À voir, et à entendre intérieurement, avec Feldman en tête !
Pour toute personne qui s’intéresse aux possibles rencontres entre les différents domaines de l’art, l’exposition Palais de Mari / Peinture de Mario Côté est un incontournable. On y présente 8 tableaux grand format (232 x 153 cm) « proposant la transposition picturale, mesure par mesure, d’une partition pour piano de Morton Feldman », comme nous le précise le communiqué présentant l’exposition. De même, on nous dit que :
L’artiste peintre Mario Côté éprouve une véritable passion pour la musique du compositeur américain qui a été très proche des peintres abstraits new-yorkais ; plusieurs de ses pièces musicales ont été dédiées à des artistes : For Philip Guston, For Franz Kline, The Rothko Chapel, For Francisco Clemente, For John Cage. Le compositeur a par ailleurs envisagé la création de sa musique à la manière des peintres, comme une surface : « On devrait appeler (mes compositions) toile de temps, toiles que j’imprime plus ou moins d’une teinte musicale. » Le projet de Mario Côté vise à renverser la proposition. Contrairement à Feldman, Côté crée à partir de sa musique une proposition strictement picturale afin de lui rendre ainsi hommage. Une dizaine [sic] de tableaux de grand format compose une immense partition transformée par le jeu des formes géométriques simples et colorées. Hauteur, timbre et rythme rencontrent couleur, signes et espace. L’exposition est aussi accompagnée d’œuvres sur papier qui révèlent un aspect du procédé utilisé lors de la transposition des données musicales en signes graphiques colorés.
En plus d’une réalisation schématique en miniature des tableaux, les œuvres sur papiers contiennent en effet des indications fascinantes, qu’il vaut la peine de déchiffrer pour comprendre d’abord le procédé technique que le communiqué évoque et mesurer ensuite tout ce qui s’en distance dans les tableaux. Ce qui pourrait apparaître comme un travail presque automatique révèle bientôt toute la marge de liberté que l’artiste a su se préserver, et toute la sensibilité qui peut se manifester ainsi, au grand plaisir du regardeur.
Précisons que Mario Côté s’est basé, pour son travail, sur la partition publiée par les éditions Universal, seule disponible commercialement. Celle-ci s’éloigne passablement de la mise en page du manuscrit original de Morton Feldman. On lira avec intérêt un article signé par Tom Hall (pages 14 à 21) pour mesurer certaines conséquences de cet écart.
Vague relations : bar groupings and notational image in the late music of Morton Feldman
Il ressort aussi de la lecture de cet article que Feldman aurait eu une approche d’artiste visuel quant à la construction formelle de ces œuvres musicales, travaillant sa partition comme un objet visuel, au point qu’on puisse même parler d’Augenmusik (musique pour les yeux). Chez Mario Côté, une partie des symétries feldmaniennes sont révélées à l’œil, mais, indépendante de celles-ci, une magnifique directionnalité s’installe, un graduelle transformation entre le premier et le dernier des 8 tableaux. Ainsi, les carrés représentant les mesures de silences évoluent peu à peu du vert vers le bleu ; la texture baveuse de fond des premiers carrés devient striée dans les derniers. Il faut aussi remarquer l’évolution du peintre face à son projet : ainsi, les signes de silences dans les mesures avec notes (soupirs, demi-soupirs, etc), d’abord négligés, sont bientôt intégrés pour être conservés jusqu’à la fin. On pourrait aussi parler de l’évolution graduelle des couleurs de fond, des couleurs réservées aux « notes », etc
Un travail attentif, rigoureux, mais expressif et libre. À voir, et à entendre intérieurement, avec Feldman en tête !
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