Les concerts de Pierre Lapointe des 3 et 4 décembre derniers se seront traduits en d’éblouissantes merveilles, au bouquet surprenant avec une touche d’innovation absolument rafraîchissante.
C’est avec fébrilité que le public de la lumineuse salle de concert du Conservatoire de musique de Montréal buvait littéralement le moment musical, s’accrochant parfois aux paroles du notoire chansonnier, ou se laissant tout simplement soulever par l’exquise interprétation du Quatuor Molinari, comme par celle d’un ensemble baroque dont on souhaiterait plus de visibilité (!).
Deux genres, deux publics
Le monde de la musique, aussi petit puisse-t-il être, est à la fois extrêmement compétitif et tiré de tous côtés par diverses écoles, toutes férocement plus orgueilleuses les unes que les autres, oppida défendues avec les plus grandes rigueurs et les plus subtiles éloquences intellectuelles. Écoles, d’ailleurs, qui ont aussi, plus souvent qu’autrement, leur fidèle public, aux idéologies tout aussi précises. De façon générale, il n’y a qu’à penser aux différences de perceptions et de fonctions qu’ont les musiques punk et métal en opposition aux groupes be-bop et cool jazz, ou encore le chansonnier francophone par rapport aux chercheurs acoustiques de tout acabit.
Ici, Pierre Lapointe (pop) sans préjugé aucun, répond positivement à l’audacieuse proposition de la part du Quatuor Molinari (contemporain) d’organiser une collaboration, où, en plus d’avoir un mélange d’interprètes et d’habitudes de scène, il y aurait l’intervention du travail de cinq étudiants en composition au Conservatoire de Montréal, où l’illustre quatuor est présentement en résidence et où le concert aura finalement eu lieu.
Donc, en plus de mobiliser le large public qu’attire déjà Pierre Lapointe à lui tout seul, cet événement rassemblait dans la même salle de forts partisans de la musique contemporaine et innovatrice, tandis que quelques surprises restaient à être servies au public, comme l’intervention tout à fait bien placée de l’ensemble baroque mystère, ainsi que le remarquable travail d’orchestration des étudiants et d’un de leur profs, qui, soit dit en passant, ont bénéficié d’une bonne marge de manœuvre pour leurs choix d’arrangements. De plus, Molinari a ingénieusement choisi d’insérer au programme un quatuor de Philip Glass, absolument dans l’esprit de la soirée : envoûtant et sans aucune lourdeur, rendant justice à l’indéniable élégance d’interprétation dont fait preuve Molinari, tout en restant bien loin de l’insipide formalité de l’interprétation traditionnelle.
L’innovation à un autre niveau
Ce contraste, que l’on n’a jamais senti forcé, entre les multiples milieux musicaux et les habitudes professionnelles a justement créé un autre type d’innovation. Le public était, cette fois-ci, déstabilisé, non par la «recherche de nouveaux sons », de «nouvelles images » ou encore d’une «attitude singulière », mais tout simplement par le rassemblement assez peu probable de quatre mondes différents, c’est-à -dire la pop, le contemporain, le baroque et le milieu universitaire, représenté par le Conservatoire et tout le prestige qui l’accompagne. Du point de vue du public, la fébrilité se sentait à tout moment; chaque parti semblait résolument vouloir contribuer à faire de ce concert un joyau de musiques actuelles, judicieusement signé Rencontre inédite. De surprise en surprise, on passait d’une pièce à l’autre, dans cette salle habituée aux grands récitals classiques, qui recevait alors la désinvolture d’un chansonnier qui n’a que faire des fausses notes.
Cela se voyait: les divers artistes n’étaient pas forcément familiers avec ce genre d’échange, mais tous avaient l’enthousiasme de s’y mettre. À quelques reprises, notamment dans 27-100, rue des Partances, et plus notablement dans Le bar des suicidés, quelques moments d’erreurs sont survenus, à un point tel que le chanteur a fini la première en riant, et la deuxième a connu trois départs successifs avant que tout le monde ne réussisse son entrée. Ces petits moments de cocasserie auront sans aucun doute contribué à faire oublier les effets stressants des imprévus, aléas que le milieu de type plus traditionnel a souvent plus de difficulté à gérer. Et impossible d’ignorer le comique moment où le public a été invité à participer en reproduisant des notes «étranges » dans le but d’introduire une chanson connue sous un voile mystérieux, aboutissant dans un franc éclat de rires.
Tout cela, ajouté au fait que le public, partagé entre ceux qui chantonnent et les autres qui tentent d’écouter les subtilités orchestrales, aura créé une avenante déstabilisation des habitudes, comme si, l’espace d’un concert, l’on avait entrevu un nouveau rivage…
Vanessa Sorce-Lévesque
étudiante en composition électroacoustique, Conservatoire de musique de Montréal.
Les concerts de Pierre Lapointe des 3 et 4 décembre derniers se seront traduits en d’éblouissantes merveilles, au bouquet surprenant avec une touche d’innovation absolument rafraîchissante.
C’est avec fébrilité que le public de la lumineuse salle de concert du Conservatoire de musique de Montréal buvait littéralement le moment musical, s’accrochant parfois aux paroles du notoire chansonnier, ou se laissant tout simplement soulever par l’exquise interprétation du Quatuor Molinari, comme par celle d’un ensemble baroque dont on souhaiterait plus de visibilité (!).
Deux genres, deux publics
Le monde de la musique, aussi petit puisse-t-il être, est à la fois extrêmement compétitif et tiré de tous côtés par diverses écoles, toutes férocement plus orgueilleuses les unes que les autres, oppida défendues avec les plus grandes rigueurs et les plus subtiles éloquences intellectuelles. Écoles, d’ailleurs, qui ont aussi, plus souvent qu’autrement, leur fidèle public, aux idéologies tout aussi précises. De façon générale, il n’y a qu’à penser aux différences de perceptions et de fonctions qu’ont les musiques punk et métal en opposition aux groupes be-bop et cool jazz, ou encore le chansonnier francophone par rapport aux chercheurs acoustiques de tout acabit.
Ici, Pierre Lapointe (pop) sans préjugé aucun, répond positivement à l’audacieuse proposition de la part du Quatuor Molinari (contemporain) d’organiser une collaboration, où, en plus d’avoir un mélange d’interprètes et d’habitudes de scène, il y aurait l’intervention du travail de cinq étudiants en composition au Conservatoire de Montréal, où l’illustre quatuor est présentement en résidence et où le concert aura finalement eu lieu.
Donc, en plus de mobiliser le large public qu’attire déjà Pierre Lapointe à lui tout seul, cet événement rassemblait dans la même salle de forts partisans de la musique contemporaine et innovatrice, tandis que quelques surprises restaient à être servies au public, comme l’intervention tout à fait bien placée de l’ensemble baroque mystère, ainsi que le remarquable travail d’orchestration des étudiants et d’un de leur profs, qui, soit dit en passant, ont bénéficié d’une bonne marge de manœuvre pour leurs choix d’arrangements. De plus, Molinari a ingénieusement choisi d’insérer au programme un quatuor de Philip Glass, absolument dans l’esprit de la soirée : envoûtant et sans aucune lourdeur, rendant justice à l’indéniable élégance d’interprétation dont fait preuve Molinari, tout en restant bien loin de l’insipide formalité de l’interprétation traditionnelle.
L’innovation à un autre niveau
Ce contraste, que l’on n’a jamais senti forcé, entre les multiples milieux musicaux et les habitudes professionnelles a justement créé un autre type d’innovation. Le public était, cette fois-ci, déstabilisé, non par la «recherche de nouveaux sons », de «nouvelles images » ou encore d’une «attitude singulière », mais tout simplement par le rassemblement assez peu probable de quatre mondes différents, c’est-à -dire la pop, le contemporain, le baroque et le milieu universitaire, représenté par le Conservatoire et tout le prestige qui l’accompagne. Du point de vue du public, la fébrilité se sentait à tout moment; chaque parti semblait résolument vouloir contribuer à faire de ce concert un joyau de musiques actuelles, judicieusement signé Rencontre inédite. De surprise en surprise, on passait d’une pièce à l’autre, dans cette salle habituée aux grands récitals classiques, qui recevait alors la désinvolture d’un chansonnier qui n’a que faire des fausses notes.
Cela se voyait: les divers artistes n’étaient pas forcément familiers avec ce genre d’échange, mais tous avaient l’enthousiasme de s’y mettre. À quelques reprises, notamment dans 27-100, rue des Partances, et plus notablement dans Le bar des suicidés, quelques moments d’erreurs sont survenus, à un point tel que le chanteur a fini la première en riant, et la deuxième a connu trois départs successifs avant que tout le monde ne réussisse son entrée. Ces petits moments de cocasserie auront sans aucun doute contribué à faire oublier les effets stressants des imprévus, aléas que le milieu de type plus traditionnel a souvent plus de difficulté à gérer. Et impossible d’ignorer le comique moment où le public a été invité à participer en reproduisant des notes «étranges » dans le but d’introduire une chanson connue sous un voile mystérieux, aboutissant dans un franc éclat de rires.
Tout cela, ajouté au fait que le public, partagé entre ceux qui chantonnent et les autres qui tentent d’écouter les subtilités orchestrales, aura créé une avenante déstabilisation des habitudes, comme si, l’espace d’un concert, l’on avait entrevu un nouveau rivage…
Vanessa Sorce-Lévesque
étudiante en composition électroacoustique, Conservatoire de musique de Montréal.