Vendredi soir dernier, le trio Fibonacci proposait le deuxième concert de sa série « compositeurs phares ». Deux idées principales guident la composition du programme qui est appelé à figurer dans cette série : la monographie et la carte blanche. Dans un premier temps donc, quatre pièces de la compositrice Analia Llugdar, balayant au passage quelques unes des combinaisons instrumentales que le trio avec piano peut offrir : un trio, un duo de cordes et deux solos, l’un pour violon et l’autre pour violoncelle. Dans un deuxième temps, Llugdar avait pour mandat de compléter le programme du concert avec des œuvres qu’elle avait le loisir de choisir dans l’ensemble du répertoire pour trio avec piano, c’est-à -dire à partir de ce qui pourrait être le premier du genre chez Haydn jusqu’au plus récent que je ne saurais nommer. Llugdar avait choisi les deuxièmes de Salvatore Sciarrino (1987) et Dmitri Chostakovitch (1944), non pas tant comme les simples coups de cœur d’une mélomane mais aussi surtout comme miroirs de sa propre démarche. En somme, l’événement avait une teneur hautement dialectique !
Dans une brève et sympathique conversation qu’anime Gabriel Prynn avant le concert, la compositrice nous explique ses choix : la planète Llugdar gravite dans l’univers sciarrinien. Ses notes de programme parle de « mouvement scintillant », « d’action musicale fragmentée », de « texture riche en harmoniques naturels », de « décomposition et de composition des textures, des timbres et des sons », de l’ouverture sur « une dimension sonore inouïe », et surtout de « l’air, du vent, des ombres et des murmurent qui fournissent un décor entre réel et irréel » évoquant ici le son sciarrinien, c’est-à -dire celui qui incarne la métaphore d’un organisme vivant. Si elle se présente comme une musicienne qui « s’attache à une musique caractérisée par une recherche minutieuse des sonorités et des harmonies qui traduisent à la fois un discours engagé et une subtile critique artistique du monde actuel », son intérêt pour Chostakovitch n’est pas politique. On apprend plutôt que ce sont notamment les « préludes et fugues » qui la fascinent et qui, à travers l’exercice même de leur interprétation au piano, lui permettent de réaliser une sorte d’enracinement nécessaire à l’entame d’un nouvel acte de création.
Mais c’est lorsque Prynn lui fait part de son analyse d’une des tendances de la nouvelle musique de création que l’approche de Llugdar s’aiguise. Navré, il constate que les influences sciarriniennes et lachenmaniennes engagent plusieurs « jeunes compositeurs » dans la production indifférenciée de catalogues d’effets instrumentaux de toutes sortes. Vraiment ? Or, d’après lui, c’est là un écueil que Llugdar évite sans peine. Comment est-ce possible ? Et bien, tout est affaire d’intention. Pour Llugdar, le plus difficile dans l’art de la composition, si tant est qu’il s’agisse de réaliser acoustiquement une idée, c’est précisément de s’en tenir à cette idée et d’éviter que le monde acoustique qui se forme peu à peu sous la plume (sur l’écran) du compositeur ne prenne le contrôle sur la destinée de l’oeuvre. Mais encore faut-il que cette idée ne soit pas celle qui suggère que l’écoute et « sa perte » puissent devenir les vecteurs de l’organisation d’un monde sonore; ou encore, qu’une œuvre puisse être l’expression de plusieurs idées ! Il y a donc un choix à faire, territoire privilégié de toute intention. Déjà , en présentant Sciarrino et Chostakovitch sur une même scène et en intitulant l’événement « Llugdarrinokovitch ! » nous avions un bon indice de celle qui animait la vedette de ce concert que le Trio Fibonacci a interprété avec une justesse époustouflante.
Vendredi le 10 décembre 2010 à la salle Redpath de l’Université McGill. Trio Fibonacci, « Llugdarrinokovitch ! » Programme: Analia Llugdar .Tricycle, trio avec piano (2004) .Arco azul, pour violon (2010), création. .Luvina, pour violoncelle (2009), création canadienne. .Luz, pour violon et violoncelle (2010), création. Salvatore Sciarrino Trio No.2 pour violon, violoncelle et piano (1987) Dmitri Chostakovitch Trio No.2 pour violon, violoncelle et piano, op.67 (1944)
Vendredi soir dernier, le trio Fibonacci proposait le deuxième concert de sa série « compositeurs phares ». Deux idées principales guident la composition du programme qui est appelé à figurer dans cette série : la monographie et la carte blanche. Dans un premier temps donc, quatre pièces de la compositrice Analia Llugdar, balayant au passage quelques unes des combinaisons instrumentales que le trio avec piano peut offrir : un trio, un duo de cordes et deux solos, l’un pour violon et l’autre pour violoncelle. Dans un deuxième temps, Llugdar avait pour mandat de compléter le programme du concert avec des œuvres qu’elle avait le loisir de choisir dans l’ensemble du répertoire pour trio avec piano, c’est-à -dire à partir de ce qui pourrait être le premier du genre chez Haydn jusqu’au plus récent que je ne saurais nommer. Llugdar avait choisi les deuxièmes de Salvatore Sciarrino (1987) et Dmitri Chostakovitch (1944), non pas tant comme les simples coups de cœur d’une mélomane mais aussi surtout comme miroirs de sa propre démarche. En somme, l’événement avait une teneur hautement dialectique !
Dans une brève et sympathique conversation qu’anime Gabriel Prynn avant le concert, la compositrice nous explique ses choix : la planète Llugdar gravite dans l’univers sciarrinien. Ses notes de programme parle de « mouvement scintillant », « d’action musicale fragmentée », de « texture riche en harmoniques naturels », de « décomposition et de composition des textures, des timbres et des sons », de l’ouverture sur « une dimension sonore inouïe », et surtout de « l’air, du vent, des ombres et des murmurent qui fournissent un décor entre réel et irréel » évoquant ici le son sciarrinien, c’est-à -dire celui qui incarne la métaphore d’un organisme vivant. Si elle se présente comme une musicienne qui « s’attache à une musique caractérisée par une recherche minutieuse des sonorités et des harmonies qui traduisent à la fois un discours engagé et une subtile critique artistique du monde actuel », son intérêt pour Chostakovitch n’est pas politique. On apprend plutôt que ce sont notamment les « préludes et fugues » qui la fascinent et qui, à travers l’exercice même de leur interprétation au piano, lui permettent de réaliser une sorte d’enracinement nécessaire à l’entame d’un nouvel acte de création.
Mais c’est lorsque Prynn lui fait part de son analyse d’une des tendances de la nouvelle musique de création que l’approche de Llugdar s’aiguise. Navré, il constate que les influences sciarriniennes et lachenmaniennes engagent plusieurs « jeunes compositeurs » dans la production indifférenciée de catalogues d’effets instrumentaux de toutes sortes. Vraiment ? Or, d’après lui, c’est là un écueil que Llugdar évite sans peine. Comment est-ce possible ? Et bien, tout est affaire d’intention. Pour Llugdar, le plus difficile dans l’art de la composition, si tant est qu’il s’agisse de réaliser acoustiquement une idée, c’est précisément de s’en tenir à cette idée et d’éviter que le monde acoustique qui se forme peu à peu sous la plume (sur l’écran) du compositeur ne prenne le contrôle sur la destinée de l’oeuvre. Mais encore faut-il que cette idée ne soit pas celle qui suggère que l’écoute et « sa perte » puissent devenir les vecteurs de l’organisation d’un monde sonore; ou encore, qu’une œuvre puisse être l’expression de plusieurs idées ! Il y a donc un choix à faire, territoire privilégié de toute intention. Déjà , en présentant Sciarrino et Chostakovitch sur une même scène et en intitulant l’événement « Llugdarrinokovitch ! » nous avions un bon indice de celle qui animait la vedette de ce concert que le Trio Fibonacci a interprété avec une justesse époustouflante.
Vendredi le 10 décembre 2010 à la salle Redpath de l’Université McGill. Trio Fibonacci, « Llugdarrinokovitch ! » Programme: Analia Llugdar .Tricycle, trio avec piano (2004) .Arco azul, pour violon (2010), création. .Luvina, pour violoncelle (2009), création canadienne. .Luz, pour violon et violoncelle (2010), création. Salvatore Sciarrino Trio No.2 pour violon, violoncelle et piano (1987) Dmitri Chostakovitch Trio No.2 pour violon, violoncelle et piano, op.67 (1944)