Ce 12 décembre dernier, Dans les arbres était à La Salla Rossa – un quatuor que les Productions SuperMusique ont eu la bonne idée d’inviter à Montréal après qu’il ait été découvert à Jonquière puis Victoriaville en mai dernier. Formé de trois Norvégiens ( Ivar Grydeland – guitare, banjo ; Christian Wallumrà – piano ; Ingar Zach – percussions ) et du clarinettiste français Xavier Charles, l’ensemble s’investit dans l’improvisation musicale. Je suis toujours curieux de ces séances d’improvisation, toujours curieux d’assister à un acte musical qui dévoile tant l’acte en lui-même, celui-ci exposant à la fois sa contingence et les relations qu’il entreprend de tisser. Et, lorsque d’une séance s’ouvre un espace, que l’énergie et l’inventivité instrumentale est palpable, cela me laisse un espace connexe où se bousculent mes lubies de compositeur. Ce 12 décembre donc, j’ai découvert Dans les arbres. La prestation qu’ils nous ont offerte était d’une sensibilité manifeste et l’on peut dire que c’est à travers un espace sonore bien distinct que ces musiciens s’engagent.
Dans une démarche d’appropriation des lieux, les musiciens s’étaient installés à l’entrée de la salle – le public étant en partie sur la scène – du côté du bar donc, de sorte qu’il fallait contourner, non sans appréhension, leur assortiment d’instruments pour commander à boire. On nous avisa que l’on éteindrait le système de chauffage pendant la prestation afin d’éliminer le bruit parasite. Allait-ce être une musique du presque rien, une musique prise au poste frontalier de l’existence du son ? J’avais tort de le croire puisque c’était une musique bien présente qui nous attendait. Cette mesure anticipait plutôt un souci du détail timbral de la part des musiciens. Déjà, La Salla Rossa, avec ses lustres et la lumière rouge de ses vieilles lampes à globe d’aspect floral (à en évoquer un théâtre sorti d’un film de David Lynch), sait installer une prédisposition à une écoute particulière. C’est sur les sons du souffle et des ponctuations percussives (grosse caisse – cloche de céramique) que l’espace s’ouvrit, un espace sonore que les musiciens ne cessèrent d’entretenir le temps d’une heure complète.
Ce qui me marqua principalement fut la volonté de fusion des musiciens. J’ai plutôt l’habitude d’assister à des improvisations orientées vers une affirmation de l’individualité, c’est-à -dire, modelées par une virtuosité, par une démarcation caractérielle du jeu et se comportant à la manière de dialogues, formant un tissu musical contrapuntique ou stratifié. Ici, l’interprète, plus effacé, contribuait à la construction d’un espace unifié et à l’atteinte d’une cohésion au niveau de l’idée et de sa portée. Ceci était principalement attribuable à l’attention que portaient les musiciens au timbre. L’alliage sonore que formaient le piano, la guitare et les cloches de céramique était d’une couleur profonde et introspective. Le piano était minutieusement préparé avec des effaces et des bouts de bois agissant littéralement comme des filtres. De l’ensemble de l’improvisation, une harmonie subtile était développée, quelque peu statique, mais qui sous-tendait avec justesse le propos musical. À la clarinette, des éclairages produits par de judicieux multiphoniques étoffaient ces harmonies. Xavier Charles possède une palette de sonorités étonnantes. Souvent constitué de longues notes tenues ou de curieux flatterzungen, son jeu explore l’intériorité du timbre de la clarinette. Un jeu suave, auquel s’oppose soudainement quelque chose d’animal qui se détachait habilement de l’ensemble. Contribuant également de manière notable à l’imaginaire sonore de Dans les arbres, le percussionniste Ingar Zach m’a spécialement impressionné par son inventivité. Utilisant la grosse caisse à toutes sortes de fins à l’aide de divers objets, il savait construire une matière musicale forte avec laquelle il s’appliquait, avec intelligence, à jeter les bases d’une structure formelle signifiante, de sorte qu’il maintenait souvent les fondements du parcours dramatique de l’improvisation. Celle-ci était basée principalement sur la réitération. Ainsi, le focus temporel des instrumentistes paraissait plus large, d’autant plus que la présence d’une pulsation lente leur permettait de bâtir une syntaxe musicale et de mieux intriquer leurs interventions. Peut-on dire qu’ils élaguaient le temps musical même ?
Sans contredit, ce soir-là s’est ouvert un espace d’une grande spiritualité. Perchés à un haut degré d’écoute et de réceptivité, quatre musiciens se concentrent entièrement dans l’acte musical, lui allouent une dimension relevant du rituel, et se conjuguent dans une intégrité profonde. Oui, c’est précisément ce que je vis lorsque je levai les yeux de sous ces arbres.
Leur site web : http://www.danslesarbres.net/Ce 12 décembre dernier, Dans les arbres était à La Salla Rossa – un quatuor que les Productions SuperMusique ont eu la bonne idée d’inviter à Montréal après qu’il ait été découvert à Jonquière puis Victoriaville en mai dernier. Formé de trois Norvégiens ( Ivar Grydeland – guitare, banjo ; Christian Wallumrà – piano ; Ingar Zach – percussions ) et du clarinettiste français Xavier Charles, l’ensemble s’investit dans l’improvisation musicale. Je suis toujours curieux de ces séances d’improvisation, toujours curieux d’assister à un acte musical qui dévoile tant l’acte en lui-même, celui-ci exposant à la fois sa contingence et les relations qu’il entreprend de tisser. Et, lorsque d’une séance s’ouvre un espace, que l’énergie et l’inventivité instrumentale est palpable, cela me laisse un espace connexe où se bousculent mes lubies de compositeur. Ce 12 décembre donc, j’ai découvert Dans les arbres. La prestation qu’ils nous ont offerte était d’une sensibilité manifeste et l’on peut dire que c’est à travers un espace sonore bien distinct que ces musiciens s’engagent.
Dans une démarche d’appropriation des lieux, les musiciens s’étaient installés à l’entrée de la salle – le public étant en partie sur la scène – du côté du bar donc, de sorte qu’il fallait contourner, non sans appréhension, leur assortiment d’instruments pour commander à boire. On nous avisa que l’on éteindrait le système de chauffage pendant la prestation afin d’éliminer le bruit parasite. Allait-ce être une musique du presque rien, une musique prise au poste frontalier de l’existence du son ? J’avais tort de le croire puisque c’était une musique bien présente qui nous attendait. Cette mesure anticipait plutôt un souci du détail timbral de la part des musiciens. Déjà, La Salla Rossa, avec ses lustres et la lumière rouge de ses vieilles lampes à globe d’aspect floral (à en évoquer un théâtre sorti d’un film de David Lynch), sait installer une prédisposition à une écoute particulière. C’est sur les sons du souffle et des ponctuations percussives (grosse caisse – cloche de céramique) que l’espace s’ouvrit, un espace sonore que les musiciens ne cessèrent d’entretenir le temps d’une heure complète.
Ce qui me marqua principalement fut la volonté de fusion des musiciens. J’ai plutôt l’habitude d’assister à des improvisations orientées vers une affirmation de l’individualité, c’est-à -dire, modelées par une virtuosité, par une démarcation caractérielle du jeu et se comportant à la manière de dialogues, formant un tissu musical contrapuntique ou stratifié. Ici, l’interprète, plus effacé, contribuait à la construction d’un espace unifié et à l’atteinte d’une cohésion au niveau de l’idée et de sa portée. Ceci était principalement attribuable à l’attention que portaient les musiciens au timbre. L’alliage sonore que formaient le piano, la guitare et les cloches de céramique était d’une couleur profonde et introspective. Le piano était minutieusement préparé avec des effaces et des bouts de bois agissant littéralement comme des filtres. De l’ensemble de l’improvisation, une harmonie subtile était développée, quelque peu statique, mais qui sous-tendait avec justesse le propos musical. À la clarinette, des éclairages produits par de judicieux multiphoniques étoffaient ces harmonies. Xavier Charles possède une palette de sonorités étonnantes. Souvent constitué de longues notes tenues ou de curieux flatterzungen, son jeu explore l’intériorité du timbre de la clarinette. Un jeu suave, auquel s’oppose soudainement quelque chose d’animal qui se détachait habilement de l’ensemble. Contribuant également de manière notable à l’imaginaire sonore de Dans les arbres, le percussionniste Ingar Zach m’a spécialement impressionné par son inventivité. Utilisant la grosse caisse à toutes sortes de fins à l’aide de divers objets, il savait construire une matière musicale forte avec laquelle il s’appliquait, avec intelligence, à jeter les bases d’une structure formelle signifiante, de sorte qu’il maintenait souvent les fondements du parcours dramatique de l’improvisation. Celle-ci était basée principalement sur la réitération. Ainsi, le focus temporel des instrumentistes paraissait plus large, d’autant plus que la présence d’une pulsation lente leur permettait de bâtir une syntaxe musicale et de mieux intriquer leurs interventions. Peut-on dire qu’ils élaguaient le temps musical même ?
Sans contredit, ce soir-là s’est ouvert un espace d’une grande spiritualité. Perchés à un haut degré d’écoute et de réceptivité, quatre musiciens se concentrent entièrement dans l’acte musical, lui allouent une dimension relevant du rituel, et se conjuguent dans une intégrité profonde. Oui, c’est précisément ce que je vis lorsque je levai les yeux de sous ces arbres.
Leur site web : http://www.danslesarbres.net/