Le 13 septembre prochain, le batteur Ben Reimer, Sixtrum et la Société de musique contemporaine du Québec créeront, à la salle Pierre-Mercure, The Man with the Golden Arms, une nouvelle œuvre de Nicole Lizée pour batterie, orchestre de chambre et six percussions. Je profite de cette occasion pour noter, en guise de prélude à cet événement, quelques réflexions qui m’habitent depuis un moment au sujet de l’univers de Nicole Lizée.
Éclectisme et identité-plasticine
Jeux vidéos, tables tournantes, films d’horreur, rythmes virtuels à la Ligeti, antiphonies stéréophoniques à la Andriessen, musique concrète instrumentale à la Lachenmann, voilà une liste – on ne peut moins exhaustive – donnant un aperçu des très nombreuses composantes de l’esthétique de Nicole Lizée. Si la musique de Lizée se caractérise par l’éclectisme, cet éclectisme a la particularité de ne pas être intrinsèquement conflictuel, c’est-à-dire de ne pas être la scène de conflits entre ses composantes hétérogènes, celles-ci s’amalgamant au contraire de manière fluide, comme si elles ne s’étonnaient ni ne faisaient grand cas de leur altérité. C’est peut-être là un des aspects les plus significatifs de la démarche de Lizée, l’un de ceux qui l’ancrent et la situent avec le plus de pertinence en ce début de XXie siècle. En effet, le grand socle de l’éclectisme moderne est généralement désigné par la figure de Mahler, créateur d’une musique qu’Adorno qualifiait de « brisée ». Cet emblème d’hétérogénéité trouve sans doute son aboutissement dans le « Scherzo » de la Sinfonia de Berio, dont le fil conducteur est le troisième mouvement de la Deuxième symphonie de Mahler. Ce « Scherzo », fresque baroque et polyglotte, est une étourdissante tour de Babel. Quelle différence entre cet éclectisme dérivé de Gustav Mahler (il y a 100 ans, en Europe) et celui de Nicole Lizée (aujourd’hui, en Amérique) ? Au-delà des sources sonores elles-mêmes, la différence la plus profonde entre ces éclectismes semble être l’absence de fracture ou d’écartèlement dans les relations entre ces sources, quelles qu’elles soient. Chez Lizée, nous ne sentons pas le malaise d’une brisure entre le soi-disant « noble » et le soi-disant « vulgaire », une tension qu’Adorno identifiait chez Mahler (et qui se ressent encore parfois aujourd’hui, notamment dans certaines œuvres de Michel Longtin{1}, dans laquelle la volonté de sortir des cadres prédéfinis se bute à des préjugés intériorisés, ceci générant un résultat sonore dont l’ambivalence est une caractéristique particulièrement prégnante. Nous entendons plutôt, dans la musique de Nicole Lizée, un continuum stylistique trempé d’un esprit queer. « Continuum stylistique » dans le sens où les styles changent, circulent, se côtoient, mais de manière continue, organique, non hachurée. « Esprit queer » dans le sens où ce continuum ne se fige pas à l’intérieur de clôtures plaquées du dehors, mais aborde le son partout où il se trouve, sans préjugés ni malaises venant biaiser la boussole de la compositrice (ce qu’elle veut entendre), et circonscrire ainsi son identité artistique polyédrique. Dans son livre culte Gender Trouble{2}, Judith Butler pose que l’identité sexuelle – le genre – n’est pas une donnée fixe, « toujours-déjà » imposée, mais une performance. Le genre est performatif, c’est-à-dire que l’on n’est pas « genré », mais que l’on se « genre ». Ainsi conçu, le genre n’est pas statique, forclos, mais ouvert au devenir, mobile, trouble. En jouant légèrement sur les mots, on pourrait dire que c’est là la posture de Nicole Lizée envers les genres musicaux. Les genres n’existent pas en-soi comme des entités sacrées, mais sont performés. Cela permet, avec eux, un rapport beaucoup plus léger et ludique que celui, écartelé, qu’Adorno attribuait à Mahler. À la brisure de l’écartèlement se substitue ainsi l’élasticité de perpétuelles redéfinissions. Cette identité-plasticine de Lizée saute aux yeux dans cet autoportrait de son groupe SaskPower :
Montreal-based group SaskPower combines psychedelia and a strong dose of film soundtrack music à la John Carpenter, Giorgio Moroder, David Lynch, Bernard Hermann, and Vangelis. Mix relentless ostinato with chilling, evocative themes, icy and haunting surrealist love songs, and slow motion glitch, then think of the gritty synth-driven scores in The Warriors, The Thing, and The Terminator; throw in the inevitable influence of Louis Andriessen, György Ligeti, and elements of Nicole Lizée’s own collagist psych-classical compositions, and a picture of the group’s music begins to form.{3}
Post Pop-Art et rétro-futurisme
Le « trouble dans le genre » caractéristique de l’esthétique de Nicole Lizée s’exprime dans une approche facilement assimilable à certaines tendances en arts visuels, en particulier le Post Pop-Art. Ce « Post » (ce « venir après ») est utile, car il permet de cibler le rétro-futurisme si caractéristique de la démarche de Lizée. En effet, ce rétro-futurisme est rendu tangible par des références pop (surtout auditives, mais parfois visuelles par le truchement de vidéos) puisées essentiellement dans des films d’horreur et de science fiction, des jeux vidéo, et des instruments ou appareils électroniques démodés. Le tout forme une sorte de cabinet de curiosités, dont voici une partie de l’inventaire : console de jeu Atari 2600, jeux d’arcade des années 1970 et 1980, enregistrements pour Karaoke, Akai Reel-to-reel, machine à enregistrer Tascam 4-track, Suzuki Omnichord, Dubreq Stylophone, Parker Brothers’ Merlin, Milton Bradley’s Simon, Bleep Labs’ Thingamagoop 2, Boss Loopstation, Boss DD20 Delay, films d’Hitchcock{4}. Plusieurs éléments de cette liste ont en commun d’être anciens, datés, tout en ayant été un jour porteurs d’inédit, voire de grandes promesses pour le futur. Le fait d’utiliser ainsi, en 2012, des références pop vétustes plutôt que tirées du quotidien contemporain est crucial, puisqu’il permet une distanciation générant l’effet fantomatique, de vintage, si frappant dans la plupart des œuvres de Lizée.
Pour approfondir un commentaire sur l’univers de Nicole Lizée, la French Theory{5} peut être d’un utile recours. En effet, comme Judith Butler, Lizée puise dans la French Theory, à travers laquelle elle circule sans dogme et avec beaucoup de liberté. Derrida et Deleuze reviennent souvent dans son discours. Par exemple, à propos de Music for Body-Whitout-Organs, elle écrivait cette phrase qui condense à elle seule ce prélude :
Deleuze and Guattari’s body-without-organs is defined as an anomalous shapeshifter – it is fluid, boundless, mutable, and in a continual process of ‘becoming’– no longer confined by the medical profession’s corporeal boundaries.{6}
Me risquant à jongler avec la French Theory et l’approche de Lizée, je dirai que son processus créatif convoque les notions d’« expropriation » et d’« archi-écriture » de Derrida : extraire, s’approprier une écriture, puis la réécrire, de manière à garder ouverts le rapport à l’Autre et la chaîne des signifiants. Dans le sillage de la déconstruction, Lizée ne privilégie pas une conception de l’écriture qui cherche à refermer, réduire, fixer, figer les possibilités d’interprétations; elle privilégie au contraire une ouverture constante aux réinterprétations, aux relectures, aux redéfinitions. Du reste, on peut se demander si, outre la relecture et la réinterprétation, il n’y a pas dans l’attirance de Nicole Lizée envers le vintage et le kitsch une forme d’ironie, de critique sociale, de commentaire politique. Ici, je serais tenté de faire appel – toujours dans le registre de la French Theory – à la notion lacanienne de « reste ». Un reste, selon Lacan, est un élément abandonné d’un investissement libidinal. Le goût manifestement insistant de Lizée pour les relectures du démodé me semble être, précisément, un goût pour la réhabilitation de restes au sens lacanien du terme; comme si certains investissements libidinaux collectifs de notre société de consommation agissaient à la manière de vagues laissant sur la grève des objets d’abord portés, puis laissés-là, inertes. Mon sentiment est que Lizée a une affection réelle pour ces restes, et que là où ça grince, là où il y a ironie, ce n’est pas envers ces restes. C’est plutôt, d’une part, envers la vitesse à laquelle la société de consommation propose, adopte et rejette une panoplie de tels restes, et, d’autre part, envers toute notion de « culture officielle » opérant un processus de sélection et de rejet (le « noble » versus le « vulgaire »). En somme, Nicole Lizée ne juge pas avant d’écouter, mais écoute avant de juger. De là naissent ses œuvres à l’éclectisme détendu, non écartelé.
Quant à The Man with the Golden Arms, je n’ai pour l’instant aucune idée de ce à quoi m’attendre, à l’exception des quelques mots qu’en dit la compositrice dans cette vidéo promotionnelle de la SMCQ. Impossible pour l’instant, donc, de savoir si cette œuvre illustre les généralités de l’univers de Lizée ici brossées à grands traits, ou si elle s’en éloigne. Seul indice : le titre est emprunté au cinéma américain des années 1950, plus précisément à la filmographie d’Otto Preminger. Il y a donc, au moins dans le titre, une touche vintage… Pour le reste, c’est en partant à la rencontre de cet homme aux bras d’or, le 13 septembre prochain, que nous pourrons en savoir davantage.
================
{1} Voir l’article d’Hugues Leclerc, « Michel Longtin : éclaircies à l’aube du XXIe siècle », paru dans Circuit, vol. 22, nº 1, 2012, p. 67-90. À noter qu’une œuvre de Longtin, Lettre posthume e Conrad (2012), sera aussi programmée le 13 septembre.
{2} Gender Trouble : Feminism and the Subversion of Identity, Routledge, New-York, 1990. Traduction française de Cynthia Kraus aux Éditions La Découverte, Paris, 2006.
{3} Texte transmis par Nicole Lizée, dans un courriel du 27 juin 2011.
{4} Liste transmise par Nicole Lizée, dans un courriel du 20 juin 2011.
{5} La French Theory désigne les principaux travaux du milieu intellectuel parisien des années 1960 et 1970 (Barthes, Deleuze, Derrida, Foucault, Kristeva, Lacan, Lévi-Strauss, etc.), tels que revisités dans les milieux universitaires américains dès les années 1980, en particulier dans les cultural et gender studies.
{6} Extrait de la note de programme de Music for Body-Whitout-Organs de Nicole Lizée.
Le 13 septembre prochain, le batteur Ben Reimer, Sixtrum et la Société de musique contemporaine du Québec créeront, à la salle Pierre-Mercure, The Man with the Golden Arms, une nouvelle œuvre de Nicole Lizée pour batterie, orchestre de chambre et six percussions. Je profite de cette occasion pour noter, en guise de prélude à cet événement, quelques réflexions qui m’habitent depuis un moment au sujet de l’univers de Nicole Lizée.
Éclectisme et identité-plasticine
Jeux vidéos, tables tournantes, films d’horreur, rythmes virtuels à la Ligeti, antiphonies stéréophoniques à la Andriessen, musique concrète instrumentale à la Lachenmann, voilà une liste – on ne peut moins exhaustive – donnant un aperçu des très nombreuses composantes de l’esthétique de Nicole Lizée. Si la musique de Lizée se caractérise par l’éclectisme, cet éclectisme a la particularité de ne pas être intrinsèquement conflictuel, c’est-à-dire de ne pas être la scène de conflits entre ses composantes hétérogènes, celles-ci s’amalgamant au contraire de manière fluide, comme si elles ne s’étonnaient ni ne faisaient grand cas de leur altérité. C’est peut-être là un des aspects les plus significatifs de la démarche de Lizée, l’un de ceux qui l’ancrent et la situent avec le plus de pertinence en ce début de XXie siècle. En effet, le grand socle de l’éclectisme moderne est généralement désigné par la figure de Mahler, créateur d’une musique qu’Adorno qualifiait de « brisée ». Cet emblème d’hétérogénéité trouve sans doute son aboutissement dans le « Scherzo » de la Sinfonia de Berio, dont le fil conducteur est le troisième mouvement de la Deuxième symphonie de Mahler. Ce « Scherzo », fresque baroque et polyglotte, est une étourdissante tour de Babel. Quelle différence entre cet éclectisme dérivé de Gustav Mahler (il y a 100 ans, en Europe) et celui de Nicole Lizée (aujourd’hui, en Amérique) ? Au-delà des sources sonores elles-mêmes, la différence la plus profonde entre ces éclectismes semble être l’absence de fracture ou d’écartèlement dans les relations entre ces sources, quelles qu’elles soient. Chez Lizée, nous ne sentons pas le malaise d’une brisure entre le soi-disant « noble » et le soi-disant « vulgaire », une tension qu’Adorno identifiait chez Mahler (et qui se ressent encore parfois aujourd’hui, notamment dans certaines œuvres de Michel Longtin{1}, dans laquelle la volonté de sortir des cadres prédéfinis se bute à des préjugés intériorisés, ceci générant un résultat sonore dont l’ambivalence est une caractéristique particulièrement prégnante. Nous entendons plutôt, dans la musique de Nicole Lizée, un continuum stylistique trempé d’un esprit queer. « Continuum stylistique » dans le sens où les styles changent, circulent, se côtoient, mais de manière continue, organique, non hachurée. « Esprit queer » dans le sens où ce continuum ne se fige pas à l’intérieur de clôtures plaquées du dehors, mais aborde le son partout où il se trouve, sans préjugés ni malaises venant biaiser la boussole de la compositrice (ce qu’elle veut entendre), et circonscrire ainsi son identité artistique polyédrique. Dans son livre culte Gender Trouble{2}, Judith Butler pose que l’identité sexuelle – le genre – n’est pas une donnée fixe, « toujours-déjà » imposée, mais une performance. Le genre est performatif, c’est-à-dire que l’on n’est pas « genré », mais que l’on se « genre ». Ainsi conçu, le genre n’est pas statique, forclos, mais ouvert au devenir, mobile, trouble. En jouant légèrement sur les mots, on pourrait dire que c’est là la posture de Nicole Lizée envers les genres musicaux. Les genres n’existent pas en-soi comme des entités sacrées, mais sont performés. Cela permet, avec eux, un rapport beaucoup plus léger et ludique que celui, écartelé, qu’Adorno attribuait à Mahler. À la brisure de l’écartèlement se substitue ainsi l’élasticité de perpétuelles redéfinissions. Cette identité-plasticine de Lizée saute aux yeux dans cet autoportrait de son groupe SaskPower :
Montreal-based group SaskPower combines psychedelia and a strong dose of film soundtrack music à la John Carpenter, Giorgio Moroder, David Lynch, Bernard Hermann, and Vangelis. Mix relentless ostinato with chilling, evocative themes, icy and haunting surrealist love songs, and slow motion glitch, then think of the gritty synth-driven scores in The Warriors, The Thing, and The Terminator; throw in the inevitable influence of Louis Andriessen, György Ligeti, and elements of Nicole Lizée’s own collagist psych-classical compositions, and a picture of the group’s music begins to form.{3}
Post Pop-Art et rétro-futurisme
Le « trouble dans le genre » caractéristique de l’esthétique de Nicole Lizée s’exprime dans une approche facilement assimilable à certaines tendances en arts visuels, en particulier le Post Pop-Art. Ce « Post » (ce « venir après ») est utile, car il permet de cibler le rétro-futurisme si caractéristique de la démarche de Lizée. En effet, ce rétro-futurisme est rendu tangible par des références pop (surtout auditives, mais parfois visuelles par le truchement de vidéos) puisées essentiellement dans des films d’horreur et de science fiction, des jeux vidéo, et des instruments ou appareils électroniques démodés. Le tout forme une sorte de cabinet de curiosités, dont voici une partie de l’inventaire : console de jeu Atari 2600, jeux d’arcade des années 1970 et 1980, enregistrements pour Karaoke, Akai Reel-to-reel, machine à enregistrer Tascam 4-track, Suzuki Omnichord, Dubreq Stylophone, Parker Brothers’ Merlin, Milton Bradley’s Simon, Bleep Labs’ Thingamagoop 2, Boss Loopstation, Boss DD20 Delay, films d’Hitchcock{4}. Plusieurs éléments de cette liste ont en commun d’être anciens, datés, tout en ayant été un jour porteurs d’inédit, voire de grandes promesses pour le futur. Le fait d’utiliser ainsi, en 2012, des références pop vétustes plutôt que tirées du quotidien contemporain est crucial, puisqu’il permet une distanciation générant l’effet fantomatique, de vintage, si frappant dans la plupart des œuvres de Lizée.
Pour approfondir un commentaire sur l’univers de Nicole Lizée, la French Theory{5} peut être d’un utile recours. En effet, comme Judith Butler, Lizée puise dans la French Theory, à travers laquelle elle circule sans dogme et avec beaucoup de liberté. Derrida et Deleuze reviennent souvent dans son discours. Par exemple, à propos de Music for Body-Whitout-Organs, elle écrivait cette phrase qui condense à elle seule ce prélude :
Deleuze and Guattari’s body-without-organs is defined as an anomalous shapeshifter – it is fluid, boundless, mutable, and in a continual process of ‘becoming’– no longer confined by the medical profession’s corporeal boundaries.{6}
Me risquant à jongler avec la French Theory et l’approche de Lizée, je dirai que son processus créatif convoque les notions d’« expropriation » et d’« archi-écriture » de Derrida : extraire, s’approprier une écriture, puis la réécrire, de manière à garder ouverts le rapport à l’Autre et la chaîne des signifiants. Dans le sillage de la déconstruction, Lizée ne privilégie pas une conception de l’écriture qui cherche à refermer, réduire, fixer, figer les possibilités d’interprétations; elle privilégie au contraire une ouverture constante aux réinterprétations, aux relectures, aux redéfinitions. Du reste, on peut se demander si, outre la relecture et la réinterprétation, il n’y a pas dans l’attirance de Nicole Lizée envers le vintage et le kitsch une forme d’ironie, de critique sociale, de commentaire politique. Ici, je serais tenté de faire appel – toujours dans le registre de la French Theory – à la notion lacanienne de « reste ». Un reste, selon Lacan, est un élément abandonné d’un investissement libidinal. Le goût manifestement insistant de Lizée pour les relectures du démodé me semble être, précisément, un goût pour la réhabilitation de restes au sens lacanien du terme; comme si certains investissements libidinaux collectifs de notre société de consommation agissaient à la manière de vagues laissant sur la grève des objets d’abord portés, puis laissés-là, inertes. Mon sentiment est que Lizée a une affection réelle pour ces restes, et que là où ça grince, là où il y a ironie, ce n’est pas envers ces restes. C’est plutôt, d’une part, envers la vitesse à laquelle la société de consommation propose, adopte et rejette une panoplie de tels restes, et, d’autre part, envers toute notion de « culture officielle » opérant un processus de sélection et de rejet (le « noble » versus le « vulgaire »). En somme, Nicole Lizée ne juge pas avant d’écouter, mais écoute avant de juger. De là naissent ses œuvres à l’éclectisme détendu, non écartelé.
Quant à The Man with the Golden Arms, je n’ai pour l’instant aucune idée de ce à quoi m’attendre, à l’exception des quelques mots qu’en dit la compositrice dans cette vidéo promotionnelle de la SMCQ. Impossible pour l’instant, donc, de savoir si cette œuvre illustre les généralités de l’univers de Lizée ici brossées à grands traits, ou si elle s’en éloigne. Seul indice : le titre est emprunté au cinéma américain des années 1950, plus précisément à la filmographie d’Otto Preminger. Il y a donc, au moins dans le titre, une touche vintage… Pour le reste, c’est en partant à la rencontre de cet homme aux bras d’or, le 13 septembre prochain, que nous pourrons en savoir davantage.
================
{1} Voir l’article d’Hugues Leclerc, « Michel Longtin : éclaircies à l’aube du XXIe siècle », paru dans Circuit, vol. 22, nº 1, 2012, p. 67-90. À noter qu’une œuvre de Longtin, Lettre posthume e Conrad (2012), sera aussi programmée le 13 septembre.
{2} Gender Trouble : Feminism and the Subversion of Identity, Routledge, New-York, 1990. Traduction française de Cynthia Kraus aux Éditions La Découverte, Paris, 2006.
{3} Texte transmis par Nicole Lizée, dans un courriel du 27 juin 2011.
{4} Liste transmise par Nicole Lizée, dans un courriel du 20 juin 2011.
{5} La French Theory désigne les principaux travaux du milieu intellectuel parisien des années 1960 et 1970 (Barthes, Deleuze, Derrida, Foucault, Kristeva, Lacan, Lévi-Strauss, etc.), tels que revisités dans les milieux universitaires américains dès les années 1980, en particulier dans les cultural et gender studies.
{6} Extrait de la note de programme de Music for Body-Whitout-Organs de Nicole Lizée.