Conditionnés que nous le sommes entre autres par La guerre des étoiles, nous entretenons l’idée que l’espace est un endroit muet, que le manque d’air signifiant la mort pour nous, a pour conséquence directe la mort du son. Éventuellement, on peut observer que le vide sidéral est finalement plutôt rempli, qu’il y a des photons, du son et une grandeur qui impose un certain vertige même aux plus courageux.
Le tout ramené à notre échelle, la relation entre son et espace est un champ de recherche abordé sous plusieurs angles, depuis la conception du matériau des murs d’une salle de concert jusqu’à la chambre anéchoïque, en passant par la création d’une oeuvre musicale. Il y a bien eu de par le passé des compositeurs qui ont intégré l’espace à même leur langage : les oeuvres du compositeur vénitien Giovanni Gabrieli (1554-1612) et la minutie que portait Hector Berlioz (1803-1869) quant à la disposition spatiale des instruments dans l’orchestre témoignent de cet intérêt. Mais jamais l’espace, ou enfin la gestion de l’espace dans l’écriture, n’a fait l’objet d’une attention aussi soutenue que depuis les 60 dernières années. Un grand chemin a été parcouru depuis les polytopes de Xenakis (dont le premier fut créé à Montréal à Expo 67) jusqu’aux oeuvres acousmatiques spatialisées des années 80 et 90, de sorte que les outils permettant aux compositeurs de « composer » l’espace se sont depuis largement démocratisés. Mettant en scène différentes approches et disponibles sous plusieurs formats (VBAP, Ambisonic, octogris, SPAT, etc.), ces outils sont maintenant à la portée de quiconque possède un ordinateur standard et leur utilisation est aujourd’hui devenue triviale.
Il serait tout aussi trivial de reprocher aux compositeurs qu’ils se préoccupent d’un paramètre finalement secondaire en voulant intégrer l’espace à leur langage. La perception que nous avons de l’espace par l’audition n’est certes pas aussi définie que notre aptitude à percevoir la hauteur ou la durée des sons, mais nous savons tous que les méandres de la création se doivent d’être redevables d’abord et avant tout à l’imaginaire et non aux seules oreilles ou à une certaine culture de la note. Cela dit, qu’en est-il de l’espace au-delà de la spatialisation classique ? Existe-t-il des démarches où l’espace, d’abord paramètre de surface, constitue plutôt le matériau de base d’un langage à partir duquel s’engendreraient entres autres ces fameux paramètres classiques (hauteurs, durées, etc) ?
C’est bien à un défi semblable que nous convie Zack Settel dans son oeuvre Ball Jam qui sera créé par le quatuor Quasar, les 19 et 20 février prochain, à l’Agora de la danse, dans le cadre du Festival Montréal Nouvelles Musiques. Au préalable, la salle dans laquelle l’œuvre sera jouée aura fait l’objet d’une modélisation 3D, ceci afin de concevoir un espace virtuel à l’intérieur duquel les musiciens se déplaceront et interagiront les uns par rapport aux autres, comme dans un jeu vidéo. On pourra donc voir à l’arrière scène une projection vidéo représentant l’espace de la salle de concert modélisée, tandis que les membres de Quasar se déplaceront physiquement sur la scène. Par l’intermédiaire de capteurs de positionnement, on pourra suivre en direct le déplacement des musiciens dans cet espace réel et ainsi que leur intégration à la projection vidéo par l’intermédiaire d’avatars. Ici, il est important de spécifier que les musiciens n’interagiront pas seulement les uns par rapport aux autres mais bien aussi par rapport à l’espace. Car le dispositif électronique captera aussi les sons émis par les instrumentistes et « représentera » en quelque sorte cette émission dans l’espace virtuel, les sons se déplaçant selon une direction donnée, à une vitesse donnée. Ces sons émis dans l’espace « rebondiront » donc, comme des balles, sur les murs virtuels du modèle tandis que le public pourra apprécier cette interaction spatiale via l’entremise d’un dispositif de haut-parleurs.
Et c’est bien cet aspect qui confère à cet œuvre une intégration approfondie de l’espace au langage. Par exemple, l’espace de la scène de cette salle ayant des proportions se rapprochant du 1/3 sur la profondeur par rapport au 2/3 sur la longueur, les sons émis par les musiciens, et les rebonds de ces sons sur les murs du modèle, engendreront une rythmique conséquente en rapport avec ces proportions, soit un 2 contre 3. Ainsi, l’espace engendre ici une certaine durée, voire même une certaine rythmique avec laquelle les musiciens de Quasar devront interagir par le biais entre autres de l’improvisation. Cette intégration de l’espace au langage n’est pas sans rappeler certaines démarches associées à l’art in situ.
Enfin, le dispositif électronique comprend aussi divers modes d’interaction qu’il n’est pas nécessaire de décrire de manière exhaustive ici. Par contre, il est important de souligner la transparence dans laquelle cette installation évolue. Jamais on ne perçoit toute la complexité du système interactif de sorte que seule ressort de cette aventure la musicalité de l’espace via la sensibilité des interprètes. Conditionnés que nous le sommes entre autres par La guerre des étoiles, nous entretenons l’idée que l’espace est un endroit muet, que le manque d’air signifiant la mort pour nous, a pour conséquence directe la mort du son. Éventuellement, on peut observer que le vide sidéral est finalement plutôt rempli, qu’il y a des photons, du son et une grandeur qui impose un certain vertige même aux plus courageux.
Le tout ramené à notre échelle, la relation entre son et espace est un champ de recherche abordé sous plusieurs angles, depuis la conception du matériau des murs d’une salle de concert jusqu’à la chambre anéchoïque, en passant par la création d’une oeuvre musicale. Il y a bien eu de par le passé des compositeurs qui ont intégré l’espace à même leur langage : les oeuvres du compositeur vénitien Giovanni Gabrieli (1554-1612) et la minutie que portait Hector Berlioz (1803-1869) quant à la disposition spatiale des instruments dans l’orchestre témoignent de cet intérêt. Mais jamais l’espace, ou enfin la gestion de l’espace dans l’écriture, n’a fait l’objet d’une attention aussi soutenue que depuis les 60 dernières années. Un grand chemin a été parcouru depuis les polytopes de Xenakis (dont le premier fut créé à Montréal à Expo 67) jusqu’aux oeuvres acousmatiques spatialisées des années 80 et 90, de sorte que les outils permettant aux compositeurs de « composer » l’espace se sont depuis largement démocratisés. Mettant en scène différentes approches et disponibles sous plusieurs formats (VBAP, Ambisonic, octogris, SPAT, etc.), ces outils sont maintenant à la portée de quiconque possède un ordinateur standard et leur utilisation est aujourd’hui devenue triviale.
Il serait tout aussi trivial de reprocher aux compositeurs qu’ils se préoccupent d’un paramètre finalement secondaire en voulant intégrer l’espace à leur langage. La perception que nous avons de l’espace par l’audition n’est certes pas aussi définie que notre aptitude à percevoir la hauteur ou la durée des sons, mais nous savons tous que les méandres de la création se doivent d’être redevables d’abord et avant tout à l’imaginaire et non aux seules oreilles ou à une certaine culture de la note. Cela dit, qu’en est-il de l’espace au-delà de la spatialisation classique ? Existe-t-il des démarches où l’espace, d’abord paramètre de surface, constitue plutôt le matériau de base d’un langage à partir duquel s’engendreraient entres autres ces fameux paramètres classiques (hauteurs, durées, etc) ?
C’est bien à un défi semblable que nous convie Zack Settel dans son oeuvre Ball Jam qui sera créé par le quatuor Quasar, les 19 et 20 février prochain, à l’Agora de la danse, dans le cadre du Festival Montréal Nouvelles Musiques. Au préalable, la salle dans laquelle l’œuvre sera jouée aura fait l’objet d’une modélisation 3D, ceci afin de concevoir un espace virtuel à l’intérieur duquel les musiciens se déplaceront et interagiront les uns par rapport aux autres, comme dans un jeu vidéo. On pourra donc voir à l’arrière scène une projection vidéo représentant l’espace de la salle de concert modélisée, tandis que les membres de Quasar se déplaceront physiquement sur la scène. Par l’intermédiaire de capteurs de positionnement, on pourra suivre en direct le déplacement des musiciens dans cet espace réel et ainsi que leur intégration à la projection vidéo par l’intermédiaire d’avatars. Ici, il est important de spécifier que les musiciens n’interagiront pas seulement les uns par rapport aux autres mais bien aussi par rapport à l’espace. Car le dispositif électronique captera aussi les sons émis par les instrumentistes et « représentera » en quelque sorte cette émission dans l’espace virtuel, les sons se déplaçant selon une direction donnée, à une vitesse donnée. Ces sons émis dans l’espace « rebondiront » donc, comme des balles, sur les murs virtuels du modèle tandis que le public pourra apprécier cette interaction spatiale via l’entremise d’un dispositif de haut-parleurs.
Et c’est bien cet aspect qui confère à cet œuvre une intégration approfondie de l’espace au langage. Par exemple, l’espace de la scène de cette salle ayant des proportions se rapprochant du 1/3 sur la profondeur par rapport au 2/3 sur la longueur, les sons émis par les musiciens, et les rebonds de ces sons sur les murs du modèle, engendreront une rythmique conséquente en rapport avec ces proportions, soit un 2 contre 3. Ainsi, l’espace engendre ici une certaine durée, voire même une certaine rythmique avec laquelle les musiciens de Quasar devront interagir par le biais entre autres de l’improvisation. Cette intégration de l’espace au langage n’est pas sans rappeler certaines démarches associées à l’art in situ.
Enfin, le dispositif électronique comprend aussi divers modes d’interaction qu’il n’est pas nécessaire de décrire de manière exhaustive ici. Par contre, il est important de souligner la transparence dans laquelle cette installation évolue. Jamais on ne perçoit toute la complexité du système interactif de sorte que seule ressort de cette aventure la musicalité de l’espace via la sensibilité des interprètes.