Les conséquences néfastes d’un appareillage intermédiaire proéminent[1]
Le 1er novembre 2011, l’auteur de ces lignes publie, sur le blogue de la Société de musique contemporaine du Québec (smcq), un billet intitulé « Je me souviens – In memoriam Serge Garant[2] » qui provoque rapidement une courte série d’échanges animés autour d’une question laissant peu d’indifférents, soit celle des débats sur les convictions esthétiques dans l’univers de la création musicale contemporaine. À l’origine, cette publication de nature quelque peu polémique a pour objet de rappeler le 25e anniversaire du décès du compositeur Serge Garant, et de souligner, par la même occasion, la décevante absence de sa musique aux programmes saisonniers des principaux ensembles de musique contemporaine à Montréal. Cet « In memoriam » est à la fois un hommage rendu à la musique et à la mémoire de ce brillant musicien, et un plaidoyer, un appel à réfléchir à l’assertion voulant que les chapelles esthétiques soient désormais dissoutes. Car cette affirmation distille une idéologie qui cherche à discréditer, à leur tour, ces avant-gardes sérielle et postsérielle qui s’étaient elles-mêmes investies, au cours des années 1950-1960, de supériorité téléologique. Mais la critique ayant ceci de particulier qu’elle invite toujours à la critique, les réponses faites subséquemment à la publication en ligne du texte en souvenir de Garant soulèvent – on devait s’y attendre ! – quelques passions, et rejettent la valeur artistique des œuvres ayant notamment vu le jour sous le signe boulézien. Accusations d’hégémonisme et d’hermétisme esthétique en filigrane, la suite d’échanges se clôt de la façon suivante : « Quand elle n’a pas réussi à s’imposer et qu’il n’y a plus d’espoir pour elle, une révolution [à supposer : celle proposée par l’avant-garde sérielle de ces années] s’essouffle inévitablement[3] ».
La réponse critique préparée suite à cette dernière affirmation n’a jamais été publiée, mais la réflexion s’est néanmoins poursuivie. Par extrapolation, il n’est pas difficile de rattacher cet échange à la vieille et vaste question de la fracture qui persiste et qui, peut-être, grandit toujours entre le compositeur « moderne » et le public. Ce divorce affectant les musiques d’avant-garde[4] n’est-il pas, en fait, l’ « essoufflement »-même dont il est question dans la dernière réplique publiée sur le blogue de la smcq ? En ces circonstances, force est de constater que les accusations de prosélytisme qui fusent depuis si longtemps à l’encontre des compositeurs de l’avant-garde, de même, en retour, que celles blâmant l’hypothétique mauvaise foi des mélomanes vis-à-vis de la musique de ces mêmes compositeurs, ne contribuent, le plus souvent, qu’à alimenter en enfantillages une prospection rappelant les tristes chasses aux sorcières moyenâgeuses. Pourquoi donc se faire inquisiteur, pourquoi chercher à tout prix à trouver un coupable à cette désolante rupture ? Et si ce divorce ne résultait en fait que de la convergence entre développements technologiques, contingences économiques, habitus social de consommation culturelle et discours médiatique (entre autres choses) ? Et si les compositeurs étaient finalement artistes, plutôt que d’infertiles algébristes[5] ? Et si les mélomanes ne demandaient pas mieux que d’aimer la musique de leurs contemporains ?
D’abord, on suggère souvent une corrélation entre le passage à la modernité et le divorce du public et des compositeurs. Le plus souvent, les recherches de ces derniers dans le domaine de la syntaxe atonale se retrouvent enchaînées au banc des accusés, aux côtés de l’effacement progressif de la mélodie, de l’élargissement de la palette des modes de jeu et de nombreux autres paramètres ayant caractérisé l’essor de ce que la théorie nomme – pour des raisons fort commodes – la « modernité ». Chose curieuse, on s’attarde rarement à rappeler la synchronicité historique des innovations ayant eu lieu dans le domaine musical et de celles s’étant produites dans diverses sphères, dont celle des technologies.
À partir du tournant de cette dite modernité, l’amélioration des conditions de travail des interprètes ainsi que l’ensemble des transformations ayant trait à la professionnalisation du métier de musicien impliquent désormais une meilleure rémunération et des ententes de travail allant de plus en plus dans le sens d’un encadrement de la durée des répétitions. D’un point de vue strictement financier, il en revient à dire que les musiciens coûtent donc plus cher pour être à disposition moins longtemps, ce qui occasionne une double augmentation des frais nécessaires à l’organisation d’un concert. Or, pour jouer les nouvelles musiques – et, plus encore, pour les bien jouer[6] ! –, il faut en comprendre l’esprit, en intégrer puis en maîtriser la technique ; en un mot, il faut du temps. Nécessités musicales et facteurs économiques – peu importe qu’ils soient de l’ordre de la subsistance ou de l’aspiration mercantile – entrent donc en conflit.
L’aspect économique domine donc ici, et la suite s’entrevoit aisément sous forme d’une synthèse que l’on veut ici simple : les auditeurs n’étant que peu exposés aux nouvelles musiques ne développent aucune accoutumance avec les esthétiques qu’ils en viennent rapidement à considérer comme rebutantes. De plus, il faut rappeler que c’est à ce moment de l’histoire que les technologies émergentes de la radio et de l’enregistrement commencent à mettre les œuvres prisées des publics bourgeois à leur disposition[7]. Les conséquences sont potentiellement catastrophiques pour les coffres des sociétés de concert, dont la volonté d’ouverture aux nouvelles esthétiques s’embourbe inévitablement dans le cercle vicieux d’une économie devant rivaliser avec ces technologies qui marquent l’amorce de l’ère de la consommation rapide de la culture. N’est-on pas ici en droit de conclure que les contingences économiques et technologiques de l’industrie culturelle peuvent avoir eu un impact sur la dissociation progressive des publics et de l’avant-garde musicale ? En ce sens, plusieurs liens peuvent être tissés avec les textes de Theodor W. Adorno[8], qui abordent la question du rôle de la diffusion massive de certaines musiques (et donc d’une exposition prolongée à celles-ci, rattachable aux processus de l’enculturation) dans la construction du goût des mélomanes[9].
Ensuite, rappelons que de nombreux littérateurs ont fait – et font encore – de la musique contemporaine un paria ayant de soi quitté les grandes tribunes de l’art occidental. Mais que reproche-t-on exactement à cette intouchable, qui évolue volontairement hors des sphères de la culture de masse abreuvant les consommateurs à l’auge des grandes corporations ? Pourquoi leur reproche-t-on leur intégrité à des créateurs qui, d’emblée, ont refusé la facilité et le compromis ? On les condamne du fait qu’ils soient restés fidèles à cette rigueur envers et contre le fatal désengagement qui consiste à ne donner au public que ce qu’il réclame, à le maintenir dans un état léthargique où la curiosité de la découverte occupe un espace pour ainsi dire inexistant. Mais voudrait-on réellement les voir ployer, accomplir, comme Debussy le disait, « la triste besogne de servir et d’entretenir le public dans une nonchalance voulue[10] », voudrait-on les voir alimenter à leur tour cette industrie se drapant de slogans douteux qui confondent culture et divertissement[11], et qui disséminent, par le fait même, une violence symbolique inquiétante au profit de l’économie[12] ?
De tels rouages sont facilement observables dans un cas ayant occupé une importante vitrine médiatique au Québec : celui de la réhabilitation du compositeur André Mathieu grâce au concours du compositeur et chef d’orchestre Gilles Bellemare, ainsi que du pianiste Alain Lefèvre. En mai 2010, le journal Le Devoir tirait un article intitulé « Monumentaliser la culture québécoise[13] », dans lequel il était question de la dimension patriotique sur laquelle on avait insisté pour imposer la quasi canonisation de Mathieu fils, alias le « Mozart québécois ». Au cours de cette entreprise, on a creusé le filon Mathieu comme on aurait suivi une prodigieuse veine d’or pour en excaver jusqu’au dernier gramme ; on a orchestré, sous le grand chapiteau médiatique, tout un cirque où l’on s’est targué de défendre la modernité musicale alors que tout pointait en fait en direction d’un star-system de mauvais goût, d’un culte de la personnalité sentant fort le parfum bon marché et les drames d’enfance prémâchés à l’intention des mélomanes bien-pensants. Soyons lucides un moment : si l’on avait réellement été soucieux de contribuer à la diffusion de notre histoire culturelle, on nous aurait servi autre chose qu’un film larmoyant sur un jeune prodige dont la jeunesse a été bafouée par les velléités de succès de ses parents[14]. Il est d’autant plus désolant que les pires préjugés sur la musique contemporaine y soient proférés par une pléthore de comédiens parmi lesquels Marc Labrèche ne jouit pas de la moindre réputation. Ne nous étonnons pas que le public n’entende rien à la musique contemporaine alors que de telles entreprises s’entêtent à la lui peindre à coup de propos venimeux.
Il est évident que le discours tenu par les figures faisant office d’autorités compétentes a un impact majeur sur la réception de la musique par les mélomanes, dont celui de modeler l’horizon de leurs attentes[15]. S’il en va ainsi pour les propos tenus par les corporations et les institutions, il en va de même pour les critiques musicaux, qui sont souvent les premiers à rendre compte de l’œuvre au public par le biais des journaux et des blogues. En ce sens, la page web de l’Encyclopédie de la musique au Canada expose la conception que se fait Claude Gingras de la profession de critique. À son avis, le rôle de ce dernier « en est essentiellement un d’intermédiaire entre celui qui donne et celui qui reçoit […]. » Il ajoute :
[Le critique] doit d’abord aimer passionnément le domaine où il œuvre […], posséder une connaissance complète de son sujet, un goût absolument sûr, un jugement parfaitement sain et, en même temps, il doit posséder une objectivité totale, être complètement indépendant des amitiés et des inimitiés. En somme, il doit posséder des qualités estimatives qui, forcément, manquent aux autres, de part et d’autre de la rampe[16].
De prime abord, il n’y a théoriquement aucune raison de s’opposer à cette définition du critique, puisqu’elle demeure, littéralement, toute théorique ; peut-être son seul défaut est-il justement de n’être incarnée par personne. Plus encore, la critique de la musique de tradition classique telle qu’on la connaît aujourd’hui, dans le peu d’espace qui lui est encore accordé dans les journaux, se contente de colporter nombre de remarques non pertinentes, allant d’une bête fausse note dans une prestation étudiante au fait qu’un bébé ait pleuré pendant un concert[17]. Elle sacrifie ainsi la possibilité de nourrir la curiosité des publics et pose, par conséquent, les paradoxales balises de sa propre incirconscriptible incompétence[18]. Il semble tristement révolu le temps où un Léo-Pol Morin ou un Jean Vallerand instruisait son lectorat au sujet de l’histoire de la musique, l’informait sur les dernières œuvres, faisait de l’éducation populaire, en somme, tout en rendant compte des concerts et en admettant que son métier comportait le risque de l’erreur. Cependant, dans le contexte qui nous occupe, la non-pertinence relève non pas de l’erreur, mais bien de la faute.
Voilà, en somme, la réponse qui aurait dû être faite sur le blogue de la smcq. Que la musique contemporaine n’est en rien une révolution qui s’est essoufflée. Que les discours qui continuent à l’accompagner ne doivent jamais chercher à imposer quelque dictat esthétique que ce soit. Que le divorce entre les compositeurs et les mélomanes, même en cas d’attentat polémique, n’est que rarement le fruit de la mauvaise volonté. Que cette fracture, enfin, n’est peut-être que le fait d’une rencontre entre les lois d’un marché en quête de profit plutôt que d’expériences esthétiques, le résultat d’un discours médiatique vermoulu et sous-tendu du leitmotiv économique, la conséquence d’un art de la critique que ses propres représentants poussent à la désuétude. Il est douteux de croire que les mélomanes sont libres d’en venir à aimer une musique qui leur est invariablement dépeinte comme l’ange déchu d’une longue et noble tradition par un discours institutionnel désolant de partialité. L’idée que les professionnels se font de la musique contemporaine est trop souvent suintante des préjugés de créateurs réagissant violemment au structuralisme des décennies 1950 et 1960 ; fade des classes d’interprétation où les musiciens de demain déambulent comme dans un musée de cire ; poussiéreuse, aussi, d’une musicologie qui, souvent, s’embourbe dans les méandres d’une Pangée historico-théorique plutôt que de participer, en s’appuyant sur ses acquis, aux interrogations les plus urgentes de son temps. Celle que s’en font les mélomanes est, à son tour, blême sous les projecteurs trop éclatants d’un vedettariat qui inspire le regret de cette humilité véritable menant seule les gestes de convictions mis au service d’un sentiment se rapprochant de la spiritualité. S’il y a un coupable dans ce divorce, ce doit être le discours qui consiste à jeter, toujours, la pierre à l’autre. Parce que la musique est belle, peu importe son esthétique. Parce que les mélomanes aiment les choses belles. Et parce que toute chose, pour être apprivoisée, requiert un peu de temps.
Paul Bazin
[1] Chronique sur l’actualité de la création musicale réalisée en collaboration avec les éditeurs du site Internet cettevilleétrange.org, soit Julien Bilodeau, Michel Gonneville et Patrick Saint-Denis. Les opinions exprimées dans cette publication n’engagent que leur auteur et ne représentent pas nécessairement celles de la revue Circuit. Des prolongements de cette collaboration sont publiés sur le site (voir ). Les lecteurs sont invités à réagir en écrivant à info@revuecircuit.ca ou à proposer une publication en écrivant à info@cettevilleetrange.org.
[2] Paul Bazin, « Je me souviens – In memoriam Serge Garant », <www.musiquecontemporaine.wordpress.com/2011/11/01/je-me-souviens-–-in-memoriam-serge-garant/> (consulté le 29 novembre 2013).
[3] Justin Bernard, cité in Bazin, en ligne.
[4] Par « avant-garde », nous entendons toute musique de tradition classique faisant appel à des langages susceptibles de heurter la majorité des oreilles occidentales que l’on formate, par une surexposition qui engendre une enculturation presque atavique, au prêt-à-entendre des productions de la musique commerciale.
[5] Avant de s’intéresser lui-même au sérialisme, le compositeur et critique Jean Vallerand initia, en 1954, une joute journalistique qui l’opposa à Serge Garant. À l’origine de cet échange savoureusement polémique, une assertion du critique abordant la question du sérialisme allait comme suit : « Si tant de compositeurs contemporains se lancent à corps perdu dans des techniques purement algébriques ou géométriques de composition – toujours avec l’arrière-pensée forcenée de tordre le cou à l’expression et au plaisir de l’oreille – c’est peut-être qu’ils n’ont rien à dire. S’ils ne se rabattaient pas sur des systèmes fermés et qui commandent l’automatisme de l’écriture, ces compositeurs ne pourraient probablement pas composer du tout. » Faisant paraître les critiques ici formulées comme un refrain bien connu, cette citation a la vertu de souligner que les problématiques présentement abordées semblent n’avoir pas changé depuis au moins soixante ans… Jean Vallerand (1954), « Le public et la musique moderne », Le Devoir (13 février), p. 7.
[6] On se souviendra qu’Arnold Schoenberg affirmait que sa musique n’était pas moderne, qu’elle était simplement mal jouée ; que ce musicien, dont l’histoire a fait un effrayant théoricien, ne souhaitait autre chose que sa musique fut appréciée, tel qu’en témoigne cette lettre datée du 12 mai 1947, adressée au chef d’orchestre autrichien Hans Rosbaud : « Understanding of my music still goes on suffering the fact that the musicians […] regard me […] as a modern dissonant twelve-tone experimenter. But there is nothing I long for more intensely (if for anything) than to be taken for a better sort of Tchaikovsky […] or for anything more, than that people should know my tunes and whistle them. » Arnold Schoenberg (1987), Letters, Berkeley, University of California Press, p. 243.
[7] Dans le domaine des musiques populaires, des études ont été consacrées à l’impact des essors technologiques et de l’industrie sur la modélisation et la consommation des différents genres musicaux. À titre d’exemple, voir Keith Negus (1999), Music Genres and Corporate Cultures, London and New-York, Routledge ; William G. Roy (2004), « “Race Records” and “Hillbilly Music” : Institutional Origins of Racial Categories in the American Commercial Recording Industry », Poetics, vol. 32, no 3-4 (juin-août), p. 265-279.
[8] « La production avancée s’est désolidarisée de la consommation. » Theodor W. Adorno (1938), Le caractère fétiche dans la musique et la régression de l’écoute, Paris, Allia, p. 21.
[9] D’autres liens, encore, peuvent être faits avec les théories de Pierre Bourdieu sur le champ de la production culturelle, qui proposent une analyse des mécanismes par le truchement desquels s’opère la marginalisation des esthétiques d’avant-garde au profit d’objets culturels d’une valeur économique supérieure.
[10] Claude Debussy (1901), cité in Claude Debussy (1987), Monsieur Croche et autres écrits, Paris, Gallimard, p. 55. Voir également : Claude Debussy (1901), « De quelques superstitions et d’un opéra », La Revue Blanche (15 novembre). Réimpression : La revue blanche, tome xxvi (septembre-octobre-novembre-décembre 1901), Genève, Slatkine Reprints, 1969, p. 471-474. Disponible en ligne : <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k15547d/f1.image> (consulté le 10 décembre 2013).
[11] Groupe Archambault inc. a adopté, depuis plusieurs années déjà, le slogan « la culture du divertissement ».
[12] La violence symbolique occupe une place centrale dans les théories de Bourdieu. Cette notion fut originellement décrite comme « tout pouvoir qui parvient à imposer des significations et à les imposer comme légitimes en dissimulant les rapports de force qui sont au fondement de sa force ». Voir Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron (1970), « Livre 1 : Fondements d’une théorie de la violence symbolique », La reproduction : éléments d’une théorie du système d’enseignement, Paris, Les Éditions de Minuit, p. 18.
[13] Danick Trottier (2010), « Monumentaliser la culture québécoise », Le Devoir (29 mai), p. B6. Disponible en ligne : <www.ledevoir.com/culture/musique/289826/monumentaliser-la-culture-quebecoise> (consulté le 8 janvier 2014).
[14] Le documentaire Musiques pour un siècle sourd (Richard Jutras, 1998) est un exemple de réalisation riche de contenu, présentant les étapes majeures du développement de la scène musicale québécoise au cours du dernier siècle et montrant la musique contemporaine sous ses différentes coutures sans jamais verser dans un sentimentalisme qui menace d’altérer la nature de l’histoire dans le but narcissique de flatter l’ego national.
[15] L’ « horizon d’attente » est un concept central de « l’esthétique de la réception » de Hans Robert Jauss à la fin des années 1960. Cette notion consiste en la capacité d’un individu à anticiper et à comprendre une œuvre en faisant appel à tout un système de référents acquis au contact de sa propre culture : « système de références objectivement formulable qui pour chaque œuvre au moment de l’histoire où elle apparaît, résulte de trois facteurs principaux : l’expérience préalable que le public a du genre dont elle relève, la forme et la thématique dont elle présuppose la connaissance, et l’opposition entre langage poétique et langage pratique, monde imaginaire et réalité quotidienne ». Voir Hans Robert Jauss (1978), Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, p. 49.
[16] Claude Gingras (1978), cité in Gilles Potvin, « Gingras, Claude », <www.thecanadianencyclopedia.com/fr/article/claude-gingras-emc/> (consulté le 23 décembre 2013). Voir aussi : [s.a.] (1978), Guide du spectacle et du disque, Québec, Ministère des affaires culturelles.
[17] Pour un exemple d’itération de tels propos, voir Claude Gingras (2013), « Palej éclipse Lutoslawski », La Presse (28 octobre). Ce texte ne fut originalement publié qu’en ligne : <www.lapresse.ca/arts/musique/musique-classique/201310/28/01-4704440-palej-eclipse-lutoslawski.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B13b_musique-classique_486_section_POS3> (consulté le 8 janvier 2014).
[18] En 1983, le critique de cinéma André Bazin tenait le propos suivant, qui s’appliquerait aussi fort bien à la musique : « Cette critique des hebdomadaires est importante, c’est elle qui peut recruter en faveur du cinéma un public cultivé, c’est elle qui crée les mouvements d’opinion. C’est pourquoi elle doit être vigoureusement militante, c’est pourquoi aussi son amollissement nous semble une trahison, une merveilleuse occasion gâchée. » André Bazin (1983), Le cinéma français de La Libération à la Nouvelle Vague, Paris, Éditions de l’Étoile. Cité in Jacqueline Razgonnikoff (dir.) (2011), De Diderot à Roland Barthes : éloge de la critique, Paris, Art lys, p. 61.