David Adamcyk considère que l’articulation formelle d’une œuvre musicale se déploie à travers la distinction des textures que la perception opère. De manière spécifique, le travail du compositeur se joue sur deux plans inséparables : la création per se de textures et l’agencement ou le montage de celles-ci en fonction des différences que leur rencontre engendre. Ainsi, le rôle de la perception auditive est au cœur de cette démarche puisque la texture a à voir avec les manières dont l’esprit groupe des stimulations musicales concurrentes en des figures simultanées. Ce processus dynamique engendre des variations de tension basées sur différents degrés d’attente qui sont comblés ou non.
Cette approche n’est pas sans rappeler la naissance moderne de l’acousmatique. D’ailleurs, le couple « texture-musique » fait son apparition dans le langage de la théorie et de la composition musicale au milieu du 20e siècle et vient en aide aux tentatives de définitions des phénomènes sonores pour lesquels le lexique existant semble insuffisant. La « texture » se réfère alors principalement à la perception de choses « inouïes » ou qui, à tout le moins, évacuent la possibilité d’être décrites par les outils théoriques de l’analyse traditionnelle.
Les nouvelles combinatoires sonores obtenues à l’aide de machines feront littéralement naître l’idée de « matière sonore » à laquelle il conviendra tout naturellement d’attribuer une « texture ». L’appropriation de ce concept dans le domaine de l’écriture instrumentale est probablement mieux connue chez Ligeti même si toute une cohorte de compositeurs pourrait être ici évoquée. Dans tous les cas, ce qui est alors remarquable, c’est le nouveau rapport qui s’établit entre l’élément singulier et la totalité au sein de laquelle il agit : la texture apparaît comme une illusion dont la variation et le développement dépend du degré d’effacement des éléments singuliers qui la composent. L’impact de cette découverte sera tel que plusieurs œuvres ne seront basées que sur une seule texture en développement. Chez Adamcyk en revanche, le travail s’opère sur deux niveaux : il y a d’abord cette habilité que les instruments ont de se fusionner ou de se distinguer les uns des autres. À cet égard, les stratégies compositionnelles d’Adamcyk s’inspirent de différents modèles géométriques qui orientent et criblent le continuum sonore : formes arrondies ou losanges effilés que traversent des lignes pointillées ou ondulatoires, modulées par des réservoirs de hauteurs et des banques de rythmes. À terme et dans tous les cas, une texture est une forme vectorielle qui devient la partie d’un niveau formel d’ordre supérieur. Elle peut être tour à tour homophonique, polyphonique, hétérophonique, simple, complexe, saturée, consonante, descendante, douce. il n’y a que la limite de l’imagination, si une telle chose existe, qui pourrait circonscrire la nomenclature de ses attributs. En tant que parties destinées à occuper l’espace d’un nouvel ordre formel, les textures sont soumises à un processus de montage dont la finalité est guidée par l’intuition d’une grande forme. De même que l’élément cédait sa singularité propre au service d’une texture, le montage, en accomplissant son dessein, c’est-à -dire celui d’une grande forme ressentie comme cohérente, assujettit l’identité des textures. En somme, l’œuvre est fondée sur une double illusion. D’ailleurs, le formalisme suggéré par le titre de l’œuvre d’Adamcyk (Double concerto) peut lui-même paraître trompeur : il n’y a d’abord qu’un seul mouvement et s’il y a bien deux solistes dont la virtuosité est certainement mise en évidence (une évidence tout de même un peu retirée puisque les solistes -trompette et trombone- sont debout derrière l’ensemble), leur rapport avec l’ensemble ne s’inscrit pas tant dans la logique antinomique du concerto classique que dans celle des distinctions de texture qui articule une unité formelle. Notons enfin que l’œuvre comprend aussi une partie électronique qui, en tout point, appuie la pensée musicale qui vient d’être exposée ici. Deux haut-parleurs sont intégrés à l’ensemble pour s’y fondre. C’est dire que la distinction perceptuelle entre l’acoustique et l’électronique n’est pas souhaitée. Les textures qui ont été composées pour l’ensemble et les solistes ont fait l’objet de simulations qui ont par la suite été soumises à des analyses de type spectral. C’est à partir de celles-ci qu’Adamcyk a composé des trames qui agissent comme des partiels ou des formants virtuels aux textures projetées par les instruments acoustiques.
Dans cet univers où les illusions fusent, il ne faudra sans doute pas être surpris de constater que notre main compte cinq as ! David Adamcyk, Double Concerto
Solistes: Stéphane Beaulac, trompette
Jean-Michel Malouf, trombone
ECM+, Les Cinq As :Une fantaisie musicale et visuelle sur le thème des cartes à jouer.
Mercredi 4 mai 2011, 19h30 |Salle Pierre-Mercure
300, boul. de Maisonneuve Est, Accès métro Berri-UQÀM David Adamcyk considère que l’articulation formelle d’une œuvre musicale se déploie à travers la distinction des textures que la perception opère. De manière spécifique, le travail du compositeur se joue sur deux plans inséparables : la création per se de textures et l’agencement ou le montage de celles-ci en fonction des différences que leur rencontre engendre. Ainsi, le rôle de la perception auditive est au cœur de cette démarche puisque la texture a à voir avec les manières dont l’esprit groupe des stimulations musicales concurrentes en des figures simultanées. Ce processus dynamique engendre des variations de tension basées sur différents degrés d’attente qui sont comblés ou non.
Cette approche n’est pas sans rappeler la naissance moderne de l’acousmatique. D’ailleurs, le couple « texture-musique » fait son apparition dans le langage de la théorie et de la composition musicale au milieu du 20e siècle et vient en aide aux tentatives de définitions des phénomènes sonores pour lesquels le lexique existant semble insuffisant. La « texture » se réfère alors principalement à la perception de choses « inouïes » ou qui, à tout le moins, évacuent la possibilité d’être décrites par les outils théoriques de l’analyse traditionnelle.
Les nouvelles combinatoires sonores obtenues à l’aide de machines feront littéralement naître l’idée de « matière sonore » à laquelle il conviendra tout naturellement d’attribuer une « texture ». L’appropriation de ce concept dans le domaine de l’écriture instrumentale est probablement mieux connue chez Ligeti même si toute une cohorte de compositeurs pourrait être ici évoquée. Dans tous les cas, ce qui est alors remarquable, c’est le nouveau rapport qui s’établit entre l’élément singulier et la totalité au sein de laquelle il agit : la texture apparaît comme une illusion dont la variation et le développement dépend du degré d’effacement des éléments singuliers qui la composent. L’impact de cette découverte sera tel que plusieurs œuvres ne seront basées que sur une seule texture en développement. Chez Adamcyk en revanche, le travail s’opère sur deux niveaux : il y a d’abord cette habilité que les instruments ont de se fusionner ou de se distinguer les uns des autres. À cet égard, les stratégies compositionnelles d’Adamcyk s’inspirent de différents modèles géométriques qui orientent et criblent le continuum sonore : formes arrondies ou losanges effilés que traversent des lignes pointillées ou ondulatoires, modulées par des réservoirs de hauteurs et des banques de rythmes. À terme et dans tous les cas, une texture est une forme vectorielle qui devient la partie d’un niveau formel d’ordre supérieur. Elle peut être tour à tour homophonique, polyphonique, hétérophonique, simple, complexe, saturée, consonante, descendante, douce. il n’y a que la limite de l’imagination, si une telle chose existe, qui pourrait circonscrire la nomenclature de ses attributs. En tant que parties destinées à occuper l’espace d’un nouvel ordre formel, les textures sont soumises à un processus de montage dont la finalité est guidée par l’intuition d’une grande forme. De même que l’élément cédait sa singularité propre au service d’une texture, le montage, en accomplissant son dessein, c’est-à -dire celui d’une grande forme ressentie comme cohérente, assujettit l’identité des textures. En somme, l’œuvre est fondée sur une double illusion. D’ailleurs, le formalisme suggéré par le titre de l’œuvre d’Adamcyk (Double concerto) peut lui-même paraître trompeur : il n’y a d’abord qu’un seul mouvement et s’il y a bien deux solistes dont la virtuosité est certainement mise en évidence (une évidence tout de même un peu retirée puisque les solistes -trompette et trombone- sont debout derrière l’ensemble), leur rapport avec l’ensemble ne s’inscrit pas tant dans la logique antinomique du concerto classique que dans celle des distinctions de texture qui articule une unité formelle. Notons enfin que l’œuvre comprend aussi une partie électronique qui, en tout point, appuie la pensée musicale qui vient d’être exposée ici. Deux haut-parleurs sont intégrés à l’ensemble pour s’y fondre. C’est dire que la distinction perceptuelle entre l’acoustique et l’électronique n’est pas souhaitée. Les textures qui ont été composées pour l’ensemble et les solistes ont fait l’objet de simulations qui ont par la suite été soumises à des analyses de type spectral. C’est à partir de celles-ci qu’Adamcyk a composé des trames qui agissent comme des partiels ou des formants virtuels aux textures projetées par les instruments acoustiques.
Dans cet univers où les illusions fusent, il ne faudra sans doute pas être surpris de constater que notre main compte cinq as ! David Adamcyk, Double Concerto Solistes: Stéphane Beaulac, trompette Jean-Michel Malouf, trombone ECM+, Les Cinq As :Une fantaisie musicale et visuelle sur le thème des cartes à jouer. Mercredi 4 mai 2011, 19h30 |Salle Pierre-Mercure 300, boul. de Maisonneuve Est, Accès métro Berri-UQÀM