En introduction à l’œuvre, Philippe Leroux réfère à l’idée lointaine de « mélodie » ou encore d’objets sonores afin de décrire un début de parcours qui gagnera en densité tout au long de l’œuvre. Cette référence à l’objet sonore, terme attribué à Pierre Schaeffer (Traité des objets musicaux, 1966) et à l’électroacoustique en général illustre bien l’idée de translation chère au compositeur. Même si l’œuvre est exclusivement instrumentale, l’écriture se nourrit davantage aux musiques électroniques qu’à une tradition associée aux musiques écrites.
En s’appuyant sur le principe du seuil de discrimination de l’oreille, le compositeur développe une écriture plus soucieuse du timbre d’ensemble et du geste musical qu’une écriture plus traditionnelle ou enfin plus proche des paramètres musicaux traditionnels, i.e. hauteurs, durées. À titre d’exemple, le début de l’œuvre donne à entendre une série de gestes bruités doublée de longues tenues aux deux extrêmes du registre de l’ensemble. Ici, le compositeur exploite les inhabiletés perceptives de l’oreille quant à la discrimination des hauteurs aux registres extrêmes. Dans le même ordre d’idées, lorsque se dégage du tableau campé en introduction une série de mélismes superposés exploitant davantage un registre où notre audition est efficace, le compositeur superpose en décalage plusieurs mélismes afin de brouiller volontairement les profils de hauteurs.
D’un point de vue perceptuel, puisque notre audition est inapte à discriminer individuellement chaque note des mélismes superposés, notre écoute est dirigée davantage sur les contours des ensembles de notes que sur les parties constitutives des figures sonores. Nous devenons dès lors portés par les multiples profils d’énergie propres aux objets sonores et par les différents niveaux de densité d’événements. D’ailleurs, au niveau de la conduite des densités, le compositeur se dégage ici aussi des traditions formelles héritées des musiques écrites en développant une gestion de la densité proposant à l’écoute une aventure ponctuelle, concentrée dans l’instant même. Même s’il se dégage de l’œuvre un profil croissant de la densité, les sections plus denses de l’œuvre ne constituent pas des climax d’autres sections plus clairsemées. Ceci a pour conséquence heureuse de lier notre écoute à l’événementiel plutôt qu’à une certaine dramaturgie de longue haleine. À noter par contre que les sections plus chargées vers la fin de l’œuvre servent davantage ce principe formel d’accroissement qu’une nécessité discursive, notre attention étant fortement sollicitée dans les circonstances.
Cela dit, cette écriture développée par Philippe Leroux, cette idée de situer le discours aux limites des aptitudes discriminatoires de l’oreille n’est pas sans soulever certaines interrogations. Après tout, les instruments pour lequel le compositeur écrit n’ont-ils pas été conçus d’abord et avant tout pour exprimer les paramètres fondamentaux que sont la hauteur et la durée? La notation elle-même ne repose-t-elle pas sur le recours quasi exclusif à ces deux notions? S’il est vrai que la tradition nous a laissé une lutherie presque confinée à l’expression d’une musique à deux dimensions, il faut comprendre que les instruments d’orchestre tels que nous les connaissons aujourd’hui ont été formulés pour répondre aux œuvres, et non l’inverse. Leur évolution, calquée sur celle de l’imaginaire, sera amenée, nous le souhaitons, à évoluer en fonction des nouvelles exigences d’une sensibilité qui se déplace. Il va sans dire qu’Ami…Chemin…Oser…Vie… vient s’inscrire au chapitre des œuvres qui cherchent à pousser le développement du jeu instrumental, et par extension de la nouvelle lutherie à venir.
Le fait que Philippe Leroux soit engagé dans une optique de renouvellement de l’écriture inscrit sans équivoque son œuvre dans une perspective évolutive. Pas de recours ici aux masques ou à un second degré cryptique au nom d’une certaine critique. Si nous avons été habitués chez nous à cette subtilité de langage, si la chose s’est avérée rafraîchissante à une certaine époque, ce type de proposition ne semble plus susciter aujourd’hui le même intérêt. Il va sans dire alors qu’une oeuvre comme Ami…Chemin…Oser…Vie… rejoint un appétit renouvelé pour des propositions franches, porteuses et, à l’image de la vie elle-même, en transformation continue, pleine d’une modernité sans cesse à réinventer.
En introduction à l’œuvre, Philippe Leroux réfère à l’idée lointaine de « mélodie » ou encore d’objets sonores afin de décrire un début de parcours qui gagnera en densité tout au long de l’œuvre. Cette référence à l’objet sonore, terme attribué à Pierre Schaeffer (Traité des objets musicaux, 1966) et à l’électroacoustique en général illustre bien l’idée de translation chère au compositeur. Même si l’œuvre est exclusivement instrumentale, l’écriture se nourrit davantage aux musiques électroniques qu’à une tradition associée aux musiques écrites.
En s’appuyant sur le principe du seuil de discrimination de l’oreille, le compositeur développe une écriture plus soucieuse du timbre d’ensemble et du geste musical qu’une écriture plus traditionnelle ou enfin plus proche des paramètres musicaux traditionnels, i.e. hauteurs, durées. À titre d’exemple, le début de l’œuvre donne à entendre une série de gestes bruités doublée de longues tenues aux deux extrêmes du registre de l’ensemble. Ici, le compositeur exploite les inhabiletés perceptives de l’oreille quant à la discrimination des hauteurs aux registres extrêmes. Dans le même ordre d’idées, lorsque se dégage du tableau campé en introduction une série de mélismes superposés exploitant davantage un registre où notre audition est efficace, le compositeur superpose en décalage plusieurs mélismes afin de brouiller volontairement les profils de hauteurs.
D’un point de vue perceptuel, puisque notre audition est inapte à discriminer individuellement chaque note des mélismes superposés, notre écoute est dirigée davantage sur les contours des ensembles de notes que sur les parties constitutives des figures sonores. Nous devenons dès lors portés par les multiples profils d’énergie propres aux objets sonores et par les différents niveaux de densité d’événements. D’ailleurs, au niveau de la conduite des densités, le compositeur se dégage ici aussi des traditions formelles héritées des musiques écrites en développant une gestion de la densité proposant à l’écoute une aventure ponctuelle, concentrée dans l’instant même. Même s’il se dégage de l’œuvre un profil croissant de la densité, les sections plus denses de l’œuvre ne constituent pas des climax d’autres sections plus clairsemées. Ceci a pour conséquence heureuse de lier notre écoute à l’événementiel plutôt qu’à une certaine dramaturgie de longue haleine. À noter par contre que les sections plus chargées vers la fin de l’œuvre servent davantage ce principe formel d’accroissement qu’une nécessité discursive, notre attention étant fortement sollicitée dans les circonstances.
Cela dit, cette écriture développée par Philippe Leroux, cette idée de situer le discours aux limites des aptitudes discriminatoires de l’oreille n’est pas sans soulever certaines interrogations. Après tout, les instruments pour lequel le compositeur écrit n’ont-ils pas été conçus d’abord et avant tout pour exprimer les paramètres fondamentaux que sont la hauteur et la durée? La notation elle-même ne repose-t-elle pas sur le recours quasi exclusif à ces deux notions? S’il est vrai que la tradition nous a laissé une lutherie presque confinée à l’expression d’une musique à deux dimensions, il faut comprendre que les instruments d’orchestre tels que nous les connaissons aujourd’hui ont été formulés pour répondre aux œuvres, et non l’inverse. Leur évolution, calquée sur celle de l’imaginaire, sera amenée, nous le souhaitons, à évoluer en fonction des nouvelles exigences d’une sensibilité qui se déplace. Il va sans dire qu’Ami…Chemin…Oser…Vie… vient s’inscrire au chapitre des œuvres qui cherchent à pousser le développement du jeu instrumental, et par extension de la nouvelle lutherie à venir.
Le fait que Philippe Leroux soit engagé dans une optique de renouvellement de l’écriture inscrit sans équivoque son œuvre dans une perspective évolutive. Pas de recours ici aux masques ou à un second degré cryptique au nom d’une certaine critique. Si nous avons été habitués chez nous à cette subtilité de langage, si la chose s’est avérée rafraîchissante à une certaine époque, ce type de proposition ne semble plus susciter aujourd’hui le même intérêt. Il va sans dire alors qu’une oeuvre comme Ami…Chemin…Oser…Vie… rejoint un appétit renouvelé pour des propositions franches, porteuses et, à l’image de la vie elle-même, en transformation continue, pleine d’une modernité sans cesse à réinventer.