Il ne faut pas toute une soirée en compagnie de Maxime Goulet pour comprendre qu’il raconte des histoires. Loin de la mythomanie, le compositeur raconte ses histoires en musique, dans le silence amusé de son esprit quand il imagine la trame sonore des événements anodins qu’il rencontre sur son chemin, puis dans l’ampleur mélodique de ses œuvres pour le concert.
De son propre aveu, une bien mince partie de sa production s’inscrit à l’extérieur de la narrativité. Une narrativité multiple, qui s’inscrit d’abord dans un discours mélodique fluide et dirigé, puis à différents niveaux d’abstraction, avec des clins d’œil aux formes narratives qui l’inspirent, qu’elles soient musicales ou littéraires.
De sa récente production pour l’Orchestre de chambre de McGill, Maxime dit : « Toute une journée est une œuvre pour orchestre à cordes et moyens ajoutés, qui trace un parallèle métaphorique entre le déroulement d’une journée et celui d’une vie, comme si l’un était le microcosme de l’autre. » En quatre brefs mouvements qui retracent les moments de la journée, mis en regard des divers moments de la vie comme dans l’énigme du Sphinx, l’auteur fait évoluer un matériau mélodique unique d’une façon librement inspirée du thème et variations. Cette mélodie se développe au fil de la journée qu’il met en musique, passe de l’avant-plan à l’arrière; elle sert de guide au discours musical puis cède la place à des événements plus dramatiques.
C’est humblement que Maxime explique qu’il est possible de comprendre la trame narrative de son œuvre selon divers niveaux. Un premier niveau, mélodique et presque anecdotique, où l’auditeur suit cette mélodie-pensée du matin (de sa vie) jusqu’au soir. Le passage du temps est représenté sur scène par les moyens ajoutés qu’il utilise, comme le réveil-matin (premier mouvement), la punch-clock et les bruits de pas des musiciens (second mouvement), la chandelle entre les duettistes (troisième mouvement) et le murmure des musiciens (dernier mouvement). Les autres niveaux se rapportent aux allusions, inspirations et clins d’œil qu’il fait à des éléments clés de sa bibliothèque personnelle : Le livre du rire et de l’oubli de Milan Kundera et A Day in the Life des Beatles. Humble, d’évoquer Kundera et le mythique Fab Four ? Tout est dans la manière ! Tant dans la manière de l’exécuter que dans celle d’en parler. Maxime en parle avec une admiration éclairée, qui a la grâce de garder en mémoire naïveté de la première lecture ou de la première écoute, pour mieux goûter les suivantes. Ce qui frappe dans l’écriture musicale de Maxime Goulet, c’est l’attention et le respect qu’il porte à l’auditeur. Celui qui l’écoute pour la première fois, sans attentes, celui qui en sait déjà long et qui fait une écoute éclairée, et enfin celui qui réécoute. Si à la fin, tous ces auditeurs ont trouvé de quoi se nourrir l’esprit, ça fait toute sa journée.
Martine Rhéaume
Maxime Goulet, « Toute une journée ». Orchestre de chambre McGill, sous la direction de Boris Brott. Création: lundi, le 9 mai, 2011, 19h30. Salle Pollack (555, rue Sherbrooke Ouest, Montréal). Ensemble Arkea, sous la direction de Dina Gilbert. Jeudi, le 19 mai, 2011, à 19h30. église-Notre-Dame-des-Sept-Douleurs (4155 Wellington, Verdun).