À l’origine, en 2007, une vision commune réunit le compositeur Tim Brady et le tout nouveau chef et directeur artistique de l’Orchestre symphonique de Laval (OSL) Alain Trudel : la musique de création n’est pas, en soi, problématique. Bien entendu, certaines œuvres peuvent sembler plus rébarbatives que d’autres mais ce n’est pas là ce qui les rend inaccessibles au grand public, c’est-à -dire à celui qui, presqu’exclusivement, assiste aux concerts de tout orchestre symphonique au Québec. Si problème il y a, ce serait plutôt dans tout ce qui entoure une création : sa présentation, la description qu’on en fait et sa mise en contexte. Peut-être parce que leur parcours respectif couvre cet éventail qui va du classique au jazz et du pop au contemporain, Brady et Trudel se disent passionnés par la vulgarisation. C’est sur cette base qu’ils élaborent un programme de compositeur en résidence dont le mandat est de favoriser le rapport de la création musicale avec la communauté au sein de laquelle l’OSL se produit. L’approche privilégiée se fonde sur une idée toute simple : inviter le public, et tout particulièrement les jeunes, au cœur même du processus de la création musicale. Dans les nombreuses écoles qu’il visite, Tim Brady propose aux étudiants une série d’ateliers qui préparent la création collective d’une courte pièce que l’OSL interprète lors de ses concerts scolaires; avant et après les concerts, il prend des bains de foule pour parler de la création musicale à travers ses propres œuvres et propose ainsi au néophyte une approche de la musique qui suscite une curiosité volontaire, « autodidacte », à l’image de ce qui a façonné le compositeur depuis plus de quarante ans.
Voilà pour le volet « éducatif » qui, au dire de Brady, couvre plus de la moitié de sa tâche. L’autre volet concerne quant à lui la composition d’œuvres. À ce jour, l’OSL a créé deux nouvelles œuvres de Tim Brady : Running (2008) inspirée de Runnin’ Back To Saskatoon des Guess Who et Requiem 21.5 (2009) composée en hommage au flûtiste canadien Lawrence Beauregard. Mardi le 28 septembre prochain, à la salle André Mathieu de Laval, l’OSL créera En amour en hiver, un généreux opus de plus de vingt minutes pour baryton et orchestre. Le projet est ambitieux et il fait appel à une collaboration toute spéciale avec l’auteur-compositeur-interprète Michel Rivard. Cette rencontre peut sembler fortuite mais il n’en est rien : Brady se passionne pour la voix (il a déjà à son catalogue deux opéras ainsi que plusieurs cycles pour la voix) et plus particulièrement pour la chanson. Cette forme musicale, il la considère avec beaucoup d’estime et il nous rappelle au passage que si il y a très peu de compositeurs « classiques » qui s’y sont frottés avec succès (on pense ici essentiellement à Gershwin et à Bernstein), ce n’est pas tant parce qu’elle est vulgaire ou triviale, mais plutôt parce qu’elle suppose une conception du temps complètement différente. D’une certaine manière, En amour en hiver conjure le compositeur au mélange des genres en provocant une rencontre entre l’univers rivardien de la chanson et les mondes sonores de Brady.
Ces mondes sonores, Brady a aujourd’hui le recul nécessaire pour pouvoir les catégoriser de manière très simple et précise : ce sont les mondes harmoniques, rythmiques, monodiques et texturaux qui, dans le processus d’une œuvre, se côtoient, s’enchevêtrent et/ou se superposent. Ils portent tous en eux la marque de sa personnalité musicale, nourri notamment par la carrière qu’il mène comme guitariste électrique : forte sensation de la pulsation, extension harmonique de l’univers du jazz ou encore longues lignes mélodiques. Dans En amour en hiver, les voici qui se modulent dans six sections enchaînées suivant ainsi la structure du texte de Michel Rivard, lequel nous dévoile un amour de jeunesse impérissable à sa mémoire. Le rapport « texte-musique » aura donné lieu, dans le cours du processus de création, à plusieurs aller-retour : plus d’une fois, le compositeur sera inspiré par un extrait du texte ou alors ce sera l’auteur qui couchera quelques mots après avoir entendu un extrait de musique fraîchement composée. Ainsi, de proche en proche, l’œuvre s’élabore et se construit dans un rapport de réciprocité dynamique qui laisse aux deux médias que sont la musique et le texte le soin de se servir l’un de l’autre.
Néanmoins, de tous ces échanges, une règle d’or s’installe : le texte a priorité sur la musique, c’est-à -dire qu’il doit être perçu de tel sorte que l’auditeur puisse saisir la finesse de son sens. Mais ce n’est pas tout : si Michel Rivard est passé maître dans l’écriture de la chanson, c’est d’une part parce qu’il sait travailler avec les mots et, d’autre part, parce qu’il a ce don rare pour faire chanter une langue qui oscille subtilement entre les accents de la poésie littéraire et ceux du joual. La prononciation même du texte est donc très importante, laquelle engage le compositeur à concevoir une œuvre qui puisse mettre en valeur la musicalité intrinsèque que le texte possède déjà . Cette attention particulière attribuée à la prosodie peut difficilement atteindre son but si elle n’est pas transmise à celui qui donnera une vie musicale concrète à l’œuvre. En confiant la partition au baryton Michael Donovan, Brady a donc soigneusement attiré son attention sur cet élément essentiel de l’œuvre afin que l’interprétation puisse trouver le juste ton. Il nous appartient maintenant d’aller en faire l’expérience.
Orchestre Symphonique de Laval
En amour en hiver de Tim Brady et Michel Rivard
Quand : 28 et 29 septembre 2010, 20h
Où : Salle André-Mathieu
Chef : Alain Trudel
Soliste : Michael Donovan, baryton
À l’origine, en 2007, une vision commune réunit le compositeur Tim Brady et le tout nouveau chef et directeur artistique de l’Orchestre symphonique de Laval (OSL) Alain Trudel : la musique de création n’est pas, en soi, problématique. Bien entendu, certaines œuvres peuvent sembler plus rébarbatives que d’autres mais ce n’est pas là ce qui les rend inaccessibles au grand public, c’est-à -dire à celui qui, presqu’exclusivement, assiste aux concerts de tout orchestre symphonique au Québec. Si problème il y a, ce serait plutôt dans tout ce qui entoure une création : sa présentation, la description qu’on en fait et sa mise en contexte. Peut-être parce que leur parcours respectif couvre cet éventail qui va du classique au jazz et du pop au contemporain, Brady et Trudel se disent passionnés par la vulgarisation. C’est sur cette base qu’ils élaborent un programme de compositeur en résidence dont le mandat est de favoriser le rapport de la création musicale avec la communauté au sein de laquelle l’OSL se produit. L’approche privilégiée se fonde sur une idée toute simple : inviter le public, et tout particulièrement les jeunes, au cœur même du processus de la création musicale. Dans les nombreuses écoles qu’il visite, Tim Brady propose aux étudiants une série d’ateliers qui préparent la création collective d’une courte pièce que l’OSL interprète lors de ses concerts scolaires; avant et après les concerts, il prend des bains de foule pour parler de la création musicale à travers ses propres œuvres et propose ainsi au néophyte une approche de la musique qui suscite une curiosité volontaire, « autodidacte », à l’image de ce qui a façonné le compositeur depuis plus de quarante ans.
Voilà pour le volet « éducatif » qui, au dire de Brady, couvre plus de la moitié de sa tâche. L’autre volet concerne quant à lui la composition d’œuvres. À ce jour, l’OSL a créé deux nouvelles œuvres de Tim Brady : Running (2008) inspirée de Runnin’ Back To Saskatoon des Guess Who et Requiem 21.5 (2009) composée en hommage au flûtiste canadien Lawrence Beauregard. Mardi le 28 septembre prochain, à la salle André Mathieu de Laval, l’OSL créera En amour en hiver, un généreux opus de plus de vingt minutes pour baryton et orchestre. Le projet est ambitieux et il fait appel à une collaboration toute spéciale avec l’auteur-compositeur-interprète Michel Rivard. Cette rencontre peut sembler fortuite mais il n’en est rien : Brady se passionne pour la voix (il a déjà à son catalogue deux opéras ainsi que plusieurs cycles pour la voix) et plus particulièrement pour la chanson. Cette forme musicale, il la considère avec beaucoup d’estime et il nous rappelle au passage que si il y a très peu de compositeurs « classiques » qui s’y sont frottés avec succès (on pense ici essentiellement à Gershwin et à Bernstein), ce n’est pas tant parce qu’elle est vulgaire ou triviale, mais plutôt parce qu’elle suppose une conception du temps complètement différente. D’une certaine manière, En amour en hiver conjure le compositeur au mélange des genres en provocant une rencontre entre l’univers rivardien de la chanson et les mondes sonores de Brady.
Ces mondes sonores, Brady a aujourd’hui le recul nécessaire pour pouvoir les catégoriser de manière très simple et précise : ce sont les mondes harmoniques, rythmiques, monodiques et texturaux qui, dans le processus d’une œuvre, se côtoient, s’enchevêtrent et/ou se superposent. Ils portent tous en eux la marque de sa personnalité musicale, nourri notamment par la carrière qu’il mène comme guitariste électrique : forte sensation de la pulsation, extension harmonique de l’univers du jazz ou encore longues lignes mélodiques. Dans En amour en hiver, les voici qui se modulent dans six sections enchaînées suivant ainsi la structure du texte de Michel Rivard, lequel nous dévoile un amour de jeunesse impérissable à sa mémoire. Le rapport « texte-musique » aura donné lieu, dans le cours du processus de création, à plusieurs aller-retour : plus d’une fois, le compositeur sera inspiré par un extrait du texte ou alors ce sera l’auteur qui couchera quelques mots après avoir entendu un extrait de musique fraîchement composée. Ainsi, de proche en proche, l’œuvre s’élabore et se construit dans un rapport de réciprocité dynamique qui laisse aux deux médias que sont la musique et le texte le soin de se servir l’un de l’autre.
Néanmoins, de tous ces échanges, une règle d’or s’installe : le texte a priorité sur la musique, c’est-à -dire qu’il doit être perçu de tel sorte que l’auditeur puisse saisir la finesse de son sens. Mais ce n’est pas tout : si Michel Rivard est passé maître dans l’écriture de la chanson, c’est d’une part parce qu’il sait travailler avec les mots et, d’autre part, parce qu’il a ce don rare pour faire chanter une langue qui oscille subtilement entre les accents de la poésie littéraire et ceux du joual. La prononciation même du texte est donc très importante, laquelle engage le compositeur à concevoir une œuvre qui puisse mettre en valeur la musicalité intrinsèque que le texte possède déjà . Cette attention particulière attribuée à la prosodie peut difficilement atteindre son but si elle n’est pas transmise à celui qui donnera une vie musicale concrète à l’œuvre. En confiant la partition au baryton Michael Donovan, Brady a donc soigneusement attiré son attention sur cet élément essentiel de l’œuvre afin que l’interprétation puisse trouver le juste ton. Il nous appartient maintenant d’aller en faire l’expérience.
Orchestre Symphonique de Laval
En amour en hiver de Tim Brady et Michel Rivard
Quand : 28 et 29 septembre 2010, 20h
Où : Salle André-Mathieu
Chef : Alain Trudel
Soliste : Michael Donovan, baryton