De la chair au continent _une Pietà.
Le 24 mars dernier, la Chapelle historique du Bon-Pasteur conviait les Montréalais amoureux d’art à une soirée exceptionnelle en compagnie de la sculpteure Louise Viger, de la poète Denise Desautels et du compositeur Éric Champagne. Souhaitant reprendre l’exposition « De la chair au continent _une Pietà » présentée à la Galerie CIRCA en 2012, Simon Blanchet, directeur artistique de la Chapelle, a voulu ajouter un petit « plus ». En effet, la première mouture de l’exposition présentait l’œuvre sculpturale accompagnée d’un enregistrement en boucle de la musique et des poèmes récités. Pour le vernissage de cette seconde exposition, on a fait le choix de faire entendre musique et poème en direct. Une bonne idée direz-vous ? Ce fut un effet bœuf, bien plus puissant que n’importe quels feux d’artifice souvent associé au travail d’Éric Champagne !
Mais d’abord, replongeons-nous dans l’atmosphère du vernissage. L’exposition se présente de prime abord comme un évènement exclusivement centré sur la sculpture. On visite donc l’espace de la Chapelle avec intérêt. Au balcon, une série de vingt gommes à effacer ouvragées, nous laissant entrevoir paysage et émotions, mais aussi tout le labeur derrière le produit fini. L’œuvre principale consiste en un tissage de trait de colle chaude reposant sur une structure ondulée, vous donnant l’impression d’une robe qui tombe, comme si son propriétaire s’était envolé en fumée. On apprend alors que l’artiste-sculpteure a passé quarante heures par semaine pendant deux mois à tisser ce linceul contemporain. Un travail de moine ? L’occasion de faire une véritable introspection, oui ! La table est mise pour la performance qui nous attend.
Vers les 18 heures, on convie la foule dans la salle de concert. Le public habitué de la Chapelle sera curieux d’apprendre qu’on a pour l’occasion retiré les rideaux en fond de scène et même ouvert les portes afin que le spectateur puisse tout à la fois écouter et voir [l’exposition]. Les trente minutes de musique et de poésie mêlées à la vision de la sculpture qui suivent sont un pur instant d’élévation. La musique émule le Stabat Mater de Pergolèse, fait écho au drapé inspiré par la Piéta. L’œuvre phare est citée de maintes manières et le compositeur utilise mille et une astuce pour nous la faire redécouvrir, tantôt s’inspirant d’une dissonance, tantôt rapportant textuellement Pergolese. Écrit pour clarinette basse et violoncelle, l’ouvrage est d’une intimité éclatante, image évoquant les profondeurs d’une âme désarmée. Les poèmes ont pour objet la douleur d’une mère impuissante à sauver ses enfants. La musique est en complète symbiose avec l’esprit du texte, dépouillé, fragile, mais ô combien rageur et vindicatif ! On est enivré par les mots, la musique et la matière qui s’unissent dans un formidable transport d’émotions.
Une seconde exécution de la version concert de l’exposition aura lieu le samedi 23 avril 2016 à 15 h. D’ici là, visitez la Chapelle et laissez vos sens vous guider.
Maurice-G. Du Berger
Présenté à la Chapelle historique du Bon-Pasteur du 24 mars au 24 avril 2016
Conférence donnée par Éric Champagne le 14 avril 2016 à 18 h au Centre de musique canadienne, 1085 Côte du Beaver Hall, suite 200.